Les emballages sont devenus indispensables au système alimentaire conventionnel. Ils protègent la nourriture, facilitent le transport, servent d’outils de communication et surtout de support marketing. Malgré ces avantages, ils provoquent des effets préjudiciables à notre santé et à notre environnement qu’il n’est plus possible d’ignorer. De nombreux articles informent et sensibilisent aux effets néfastes de ces emballages envahissants. Photos de tortues suffocant dans des sacs en plastique, plages inondées de déchets, fruits et légumes doublement emballés sans aucune raison, sont des images malheureusement trop familières. Mais il faut songer qu’avant de devenir déchets, ces matériaux ont déjà un impact bien moins mis en évidence…
Selon le Forum Économique Mondial, aujourd’hui 6% de la consommation de pétrole est destinée à la production de plastique. Selon les projections, en 2050, ce nombre augmentera à 20% et sera responsable de 15% des émissions globales. L’industrie alimentaire est la première responsable et 95% des emballages plastiques qu’elle produit sont à usage unique . Ce fait rend cette seule industrie responsable de 35% de la production globale d’emballages . Les emballages ne sont pas seulement un problème de consommation, leur impact sur notre vie commence bien en amont avec leur production et leurs transports. Ils n’étranglent pas seulement les animaux marins…
Trop souvent l’attention reste focalisée sur les problèmes de ces matériaux après utilisation, quand ils deviennent des déchets. Les tentatives de solutions proposées par le secteur privé et public essayent d’améliorer les systèmes du recyclage, mais depuis l’introduction globale des logiques du recyclage il y a plus que 40 ans déjà, ce secteur n’arrive toujours pas à traiter suffisamment de déchets. Toujours selon Forum Économique Mondial, seulement 14% du plastique serait recyclé .
Les obstacles au recyclage ne sont pas uniquement de nature technologique. Dans le modèle économique capitaliste, visant à maximiser les retours sur investissements, le recyclage n’est pas un secteur suffisamment profitable. Ainsi, les pays riches continuent d’exporter leurs déchets dans des pays les plus pauvres, dont le traitement est peu coûteux et surtout peu réglementé. En 2016, les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) ont exporté 70% de leurs déchets plastiques. Malgré la fermeture de plusieurs marchés de recyclages de déchets, comme l’a fait la Chine en 2017-2018, les pays riches continuent d’exporter dans des pays qui accueillent encore nos déchets, comme le Vietnam, l’Indonésie et la Malaisie.
D’autres solutions concernant des matériaux plus « durables » (ex : la cellulose) sont proposées par des experts dans le cadre académique, par de grandes multinationales (ex. CocaCola) et par la Start up « World ». Plébiscité par le capitalisme vert, en 2014 le marché des polymères biodégradables était de $145 millions et il ne cesse depuis d’augmenter. En dépit de leur bonne réputation, ces nouveaux matériaux, pas toujours meilleurs que le plastique, ont aussi des impacts écologiques (et sociaux) néfastes, notamment en ce qui concerne les produits agricoles et leurs emballages compostables. Compostage et biodégradation sont des processus très particuliers qui demandent des conditions très spécifiques. Certains matériaux sont biodégradables seulement avec l’énergie des UV (soleil). S’ils se retrouvent en mer ou sous terre, ils risquent de subir des conditions défavorables pour activer les processus chimiques de leur décomposition. Dans le cadre d’un compostage industriel, en plus d’une source énergétique, il faut posséder une logistique très organisée et viable économiquement pour gérer ces matériaux, ce qui n’est pas le cas à large échelle aujourd’hui. L’industrie est donc encore très loin de pouvoir proposer une alternative viable au plastique.
Avec la mondialisation, l’industrie alimentaire est devenue particulièrement complexe. Il existe trois systèmes majeurs qui influencent l’utilisation des emballages aujourd’hui :
Avec la globalisation, nos chaînes d’approvisionnement se sont éloignées et complexifiées. Dans ces réseaux globaux, les emballages sont devenus un outil indispensable pour protéger les produits sur de longues distances et éviter des pertes économiques. Les acteurs principaux en sont les multinationales de l’agrobusiness, qui exploitent ressources et travailleurs dans certains pays aux revenus plus faibles pour vendre ensuite leurs produits à des pays très éloignés des sites de productions.
Si d’un côté le but de ces compagnies est de maximiser le profit, de l’autre côté, le but majeur des gouvernements reste d’augmenter le Produit Intérieur Brut (PIB). Afin d’augmenter cet index économique artificiel, les pays ont mis en place des structures pour inciter l’export/import de produits dans un même secteur, ce qu’en anglais on nomme « intra-industry trade ». L’ensemble des institutions fluidifient ainsi les échanges qui nécessitent l’usage de plastiques, sans parler de pollutions annexes.
Un autre facteur qui a contribué à l’augmentation de l’utilisation des emballages a été la centralisation des réseaux alimentaires. Les supermarchés offrent un confort aux consommateurs qui peuvent tout acheter dans un seul magasin. Mais là où ils existent leur pouvoir économique est devenu tellement fort que pour fournir de grands volumes d’aliments, beaucoup de petits producteurs ont été coupés du marché pour laisser la place à un nombre limité de grands producteurs, souvent éloignés du point de vue de la consommation.
Les emballages sont devenus pour les consommateurs un facteur d’attractivité sur lequel jouent les grandes multinationales en garnissant rayons et étagères de produits pensés dans leur esthétique pour attirer le regard de la clientèle.
Nous consommons de moins en moins de produits frais et de plus en plus d’aliments manufacturés sous emballage. Ces changements furent influencés en partie par l’augmentation des salaires, mais surtout par le manque de temps. En effet, avec l’exode rural et l’urbanisation, le temps moyen consacré à produire, acheter, cuisiner et manger a considérablement changé depuis les années soixante, provoquant un « déracinement » avec la terre.
L’entrée des femmes dans le monde du travail fut aussi un facteur déterminant de cette évolution. Avec un salariat devenu de plus en plus précaire, travail à mi-temps, avec des horaires variables, tout ceci a fortement influencé familles et individus, qui peuvent de moins en moins planifier les repas et les consommer ensemble.
Une réorganisation sociale et économique de nos systèmes alimentaires paraît nécessaire au vu des actions individuelles insuffisantes. Nous ne pouvons pas attendre que ceux oppressés par le système suivent de façon individuelle une vie complètement durable. Ceci semble d’ailleurs peu réalisable vu la manière dont nous dépendons fortement des structures de la société qui dictent notre rythme de vie. Nous devons agir ensemble afin que chacun aille vers un choix cohérent dans un cadre sociétal cohérent fait de lois cohérentes. En voici quelques propositions :