Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!
« Seules quelques miettes de lumière, tombées d'un croissant de lune, se balancent à la surface de l'eau noire. Le temps a pris la nuit en otage et la tient en joue. Pas un bruit. Pas un souffle. Pas l'ombre d'une ombre....la mer, vaincue, semble avoir rendu l'âme !
Debout en haut de la falaise, Sabine a beau interroger l'horizon du regard, aucun signe de vie ne lui parvient; pas même cette petite luciole en guise de bateau, ni ces pulsations sourdes d'un vieux moteur de l'armée qui annoncent l'arrivée tous les soirs, d'Anton.
Anton ne viendra pas. Anton ne viendra plus: son amour s'est sûrement échoué, et son coeur à marée basse est allé se jeter sur d'autres rivages, d'autres visages, porter d'autres promesses à d'autres promises. Cette idée la remplit de tristesse ; Sabine referme ses paupières sur ses grands yeux verts remplis de larmes et s'assied maladroitement sur l'herbe humide. »
Flore pousse un long soupir, interrompant sa lecture à voix haute en lançant: « Ecoute ce passage , encore mon chéri ! »,
Elle tourne quelques pages du livre, avec impatience, fait de courtes haltes sur certaines, ses sourcils se plissent et, acquiesçant de la tête, retrouve le paragraphe qu'elle cherchait. En se tournant vers Philippe, elle poursuit : »Sabine ouvrit délicatement l'enveloppe, en huma les entrailles à plein poumons, et tira délicatement la lettre pliée en quatre. Elle prit soin de ne pas l'écorcher, comme si elle avait peur que malencontreusement, les phrases s'emmêlent, ou que les mots bousculés par un long voyage roulent au fond de l'enveloppe. Sabine parcourut rapidement les premières lignes, faisant des sauts de puce, pour aller plus vite, « ma chérie....je suis en mission et donc tenu au secret.....j'avais tellement rêvé de l'enlèvement des sabines... » Elle sourit et son visage s'éclaira, donnant à ses yeux des reflets mordorés.. Elle reconnaissait l'humour de son Anton.
Puis, son front se plissa, faisant naître une ride à son front, signe des moments d'inquiétude. Sabine éprouva le besoin de faire sonner haut et fort les mots qui suivirent. Elle en aimait la musique cette mélodie qui avait tant bercé sa mélancolie : « Partir au loin, au gré des courants, aussi loin que le souffle de notre amour nous poussera. »
Le rythme de sa lecture marqua soudain un net ralentissement , les mots devinrent des boulets, des êtres indisciplinés, rebelles qu'elle eut de plus en plus de mal à faire avancer. « Sabine, mon amour, pouvons nous continuer comme cela, de rendez-vous manqués en attentes discrètes, de projets inassouvis en élans...désespérés? Et pourtant, l'espoir de vivre avec toi me fait mourir...d'envie ».
Dans une longue expiration, à la fois de soulagement et de plaisir, Flore referma doucement le livre, et l'air pensif, se tourna vers Philippe en le regardant fixement : « Je m'imagine en train de donner, comme sujet à mes élèves de terminale : Ecrivez une déclaration d'amour...et ses déclinaisons, selon qu'il s'agit d'un amour romantique, impossible, tragique, platonique...ou alors »...
À SUIVRE....
(lire tous les épisodes ICI)