Accueil > Blog > Culture, médias > Hep Taxi (10)

Hep Taxi (10)


HEP TAXI!

Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!

Hep   Taxi -10-

    • J'aime te voir comme ça! Le rire te va si bien!

    • Un rien m'habille! s'esclaffe-t-elle. C'est toi qui me rends comme ça! Et elle lui sourit en le fixant de ses yeux d'un bleu abyssal. En lui prenant les deux mains elle propose:« Si on allait faire un tour du côté des bouquinistes?».

 A court d'idée, Philippe obtempère tout de suite. Il s'extrait de son fauteuil, laisse sonner quelques pièces dans la soucoupe, au milieu du guéridon, et salue le serveur qui slalome entre les tables.

 Un rayon de soleil avait fait son apparition et se posait délicatement sur la flèche de Notre Dame, colorant la grande rosace du Midi. Philippe, consciencieusement, tentait d'expliquer, avec ses souvenirs d'ancien étudiant en architecture, l'origine de ces fenêtres rondes, qu'on appelle oculus pour leur forme en œil et que l'on retrouvait sur les façades des maisons dans la Rome antique. C'est grâce aux prouesses techniques de l'architecture gothique  que ces roses ont pris un tel diamètre, précise-t-il à Flore, qui l'écoute religieusement.

 Les passants se mettaient à nouveau à circuler, parapluie en bandoulière.

 Ils prirent la rue de Solférino , serrés l'un contre l'autre, et tournèrent à l'angle du boulevard Kennedy. Petit à petit les bruits s'intensifiaient, la ville bouillonnante palpitait tout à coup dans une transhumance assourdissante. Des flots incessants de voitures se pressaient jusqu'à coaguler aux feux rouges. La vie circulait dans cette artère, cette vie qui tue la vie, qui l'emporte dans un rythme effréné, risquant à tout moment un infarctus. Alors qu'à ses pieds, sous les arbres ébouriffés, dans son lit douillet, la Seine coulait paisiblement, sans bruit, imperturbable.

  Flore et Philippe marchaient en cadence, quand, dans un même regard, ils surprirent dans un recoin de porte cochère, un corps figé, recroquevillé. C'était un petit vieux, ou bien un de ceux qui ont vieilli prématurément. Il était assis, le visage enfoui entre deux genoux noirs de crasse qui s'échappaient d'un pantalon déchiré. Il tendait ostensiblement sa main. A côté de lui, un pot de yaourt servait apparemment de sébile.

   - Il dort?,  questionne Philippe

   - On dirait! Ou peut-être qu'il n'a plus envie de voir, dans le regard des autres, son propre reflet!

 Inquiet, Philippe se délie de sa compagne et s'approche tout près de lui. Le bruit d'une respiration profonde et régulière le rassura. Tout attendri, il sortit un billet de sa poche qu'il glissa dans la main tendue dont il referma délicatement les doigts. Il resta un moment sur place, au cas où il se réveillerait, puis rejoignit Flore qui n'avait rien perdu de la scène. Ils repartirent en direction des quais; mais Philippe n'avait plus le même entrain que tout à l'heure et il sentait que Flore était aussi bouleversée.

    • J'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas, interroge-t-il, soudain?

    • Pas du tout! On fait tous quelque chose qu'il ne faut pas! Permettre cette condition inhumaine! Et ces permanents d'un spectacle qui se déroule devant nous, nous renvoient à notre lâcheté de faux-frères! s'énerve Flore. Mais enfin..... pourquoi faut-il qu'on ne leur donne que la misère, à partager? 

 À SUIVRE....

(LIRE TOUS LES ÉPISODES ICI)

JACKY ARLETTAZ