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Hep Taxi (2)


HEP TAXI!

Le temps du confinement nous impose une clôture spatiale et nous laisse du temps pour cheminer avec cette fée du logis qui est l'imagination. Mais que diriez vous d'un voyage à l'aventure à travers une histoire. Si vous êtes partants, un taxi vous attend devant chez vous. Bon voyage!

Hep Taxi! -2-

  Ou alors...» et avant que Philippe n'ouvre la bouche,  elle enchaîne :«je pourrais donner le même sujet à un garçon et une fille, sans qu'ils le sachent, et leur demander en classe de venir se déclarer!». Flore s'excitait à l'idée de la situation qu'elle créerait. Et  dans un élan incontrôlé, elle se mit à virevolter dans la pièce, emportée par cette transe de plaisirs anticipés à la lecture des futurs devoirs.. Sa robe légère, dans un tourbillon enivrant, lui tressait une corolle orangée autour de la taille.

 Puis tout à coup, s'arrêtant net, elle prit un air songeur, se caressa le menton et s'interrogea:« Et moi, qu'est ce que j'aurais écrit à leur âge? Sans doute des fredaines mièvres et sans intérêt. D'ailleurs je n'aurais jamais osé faire part de mes sentiments, de mes secrets espoirs, de mes rêves les plus extravagants, de ces emballements que l'on a du mal à faire taire! J'aurais eu l'impression que l'on me demandait d'ouvrir mon cœur, de le mettre à nu et de le regarder battre aux yeux de tous!»


 Philippe n'avait pas bougé de son fauteuil. Depuis tout à l'heure, il avait simplement replié sur ses jambes, le journal sportif qu'il tenait dans ses mains, et, tel un spectateur au théâtre, suivait le ballet improvisé de sa compagne. Il aimait chez elle les rencontres passionnées qu'elle faisait avec les auteurs de littérature, sa façon de les mettre en scène, de les citer, de les inviter dans leur studio minuscule, et de parsemer de livres, de piles de livres, ses déplacements. C'était comme un jeu de piste. 

 Il était capable de distinguer les livres qu'elle avait survolés, qui avaient gardé leur fraîcheur, qui ne donnaient pas des signes de fatigue par leurs pages cornées ou crayonnées. Ceux qui l'avaient ennuyée, qui portaient à jamais les stigmates de ses rêveries, barbouillés ou ornés de dessins fantaisistes. Ceux  dont elle avait partagé le quotidien, qui se vautraient, ventre ouvert, dépouillés, dépecés, gisant à même le sol.

 Philippe, d'ailleurs se demandait comment dans un si petit endroit, pouvaient cohabiter autant de personnages : des personnages de toutes nationalités, de toutes les couches sociales qui se croisaient sans se parler, au hasard des histoires, se disputant un coin de buffet, une étagère....ou jouant à cache cache sous le lit. 

 Il nourrissait un petit complexe en croisant du regard les couvertures de ses BD. Il est vrai que Tintin, le capitaine Haddock et Astérix, malgré le renfort d'Obélix avaient eu toutes les peines du monde à se faire une place dans la bibliothèque. De plus la  taille de leurs reliures cartonnées contrastait avec les ventres repus des romans qui les pressaient jusqu'à l'étouffement.

    • Alors, que penses-tu de mon idée, revint à la charge Flore ?

    •  C'est pas un peu désuet, les déclarations d'amour?

    • Comment? Désuet?...ça dépend pour qui! Certes, ajouta Flore, pensive, il est des silences plus éloquents que de grands discours! Mais l'élan amoureux, mon chéri, n'a-t-il pas besoin de générosité? De porter fièrement un message pour qu'il trouve refuge chez la personne aimée? Et ce désir inventé, qui verse dans l'imaginaire ses flots tumultueux, n'est-il pas à l'étroit si on le contient trop longtemps? s'envole-t-elle. Ah! J'ai bien peur que les jeunes pensent comme toi! La déclaration d'amour n'est plus à la mode!  

À SUIVRE....

(lire tous les épisodes ICI)

JACKY ARLETTAZ