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Le souffle du passé -11- (Feuilleton)


Le souffle du passé                                        11

 «Cette fois passons à table!» ajouta Raymond. Les trois filles en occupèrent prestement un bout, pendant que Georges ramenait dans ses mains une énorme tarte aux pignons, spécialité du village.   

«Goûtez-moi ça!» lança-t-il, triomphant, en posant sur la table une bouteille de muscat de St Jean de Minervois et la bouteille de champagne que Julien avait ramenée. 

 Pendant que Laurent s'appliquait à couper des parts égales, les trois filles commencèrent à chanter dans leur coin: aux premiers accords Julien apprécia et reconnut la musique de Francis Cabrel. Il s'ajouta au trio tant il appréciait cette chanson, et cette denrée rare qu'elle véhiculait : la fraternité.  Elles l'accueillirent  en souriant et lui laissèrent une place à leurs côtés. Puis en choeur  tous les quatre entonnèrent :

« Moi j'ai des îles, j'ai des lacs

 Moi j'ai trois poissons dans un sac,

 Moi, je porte un crucifix

 Moi, je prie sur un tapis

 Moi, je règne et je décide

 Moi j'ai quatre sous de liquide

 Moi, je dors sur des bambous

 Moi, je suis docteur marabout


 Et nous sommes, 

 Des hommes pareils.

 Plus ou moins nus sous le soleil

 Blancs, noirs, rouges, jaunes, créoles

 Qu'est ce qu'on vous apprend à l'école

 S'il y manque l'essentiel?

 Semblables jusqu'au moindre atome

 Vous, vous êtes.... et nous nous sommes....


 Ce quatuor, nouvellement constitué, ne fut guère apprécié des deux chiens qui se mirent à aboyer au point de couvrir le chant. Au bout d'un moment, n'y tenant plus, Julie se mit à pousser un cri strident qui stoppa net les aboiements. Le jeune chien aux oreilles grises, teintées de noir, baissa la tête et vint dans notre direction, docilement, pour s'allonger aux pieds de Julie. 


 Julien resta sans voix un instant. Il avait reconnu le cri de la «silhouette». C'était donc elle, Julie, qui sortait de la petite plage, derrière la baraque. 

 Il se mit soudain à la dévisager, plus en détail. Elle avait un visage fin, de grands yeux bleus sur lesquels descendaient en vrille des cheveux noirs, qu'elle repoussait régulièrement. Agréable et à l'aise, elle proposait un beau sourire, laissant entrevoir une dentition parfaite. C'est surtout sa voix qui intriguait Julien: elle avait des sonorités, des intonations qui lui rappelaient quelqu'un. Mais qui?  

 Julien décida de lier connaissance avec Julie, par l'intermédiaire de ses compagnes.

 «Que comptez vous faire après le bac? interrogea-t-il.

 Moi, dit Eliane, je voudrais faire des études de droit...Moi plutôt dans l'enseignement, continua Gaëlle, pensive. Et toi Julie? demanda Julien impatient. Elle marqua un temps d'arrêt et finit par dire: « plutôt dans le social ou le médical. Il faut vite que je me décide car je suis prise dans les deux voies.»

 «Et, dans le médical, ce serait pour être médecin, ou pharmacien, ou...?» questionna encore Julien

« Je me vois bien chirurgien, répliqua Julie. Je sais que la chirurgie reste une spécialité encore  majoritairement masculine, alors que la médecine générale est désormais presque paritaire. Cela me donne encore plus envie de m'y engager.»! finit-elle un brin provocatrice.

« Dois- je y voir une revendication féministe, avança Julien prudemment?»

 « Non . Peut-être contribuer modestement à voir la médecine autrement. Un regard de femme...»


À SUIVRE...


JACKY ARLETTAZ