Accueil > Blog > Culture, médias > Le souffle du passé -23- (Feuilleton)

Le souffle du passé -23- (Feuilleton)


Le souffle du passé               23


 Julien ne s'attendait pas à un tel scénario, mais habitué aux joutes oratoires, lors des marchés d'offres, il décida d'égrener son chapelet d'arguments : « Madame...ou mademoiselle, se reprit-il, un brin galant, vous avez sûrement remarqué que nous vous amenons sur un plateau, une centaine d'emplois.

     -    Au SMIG ! répondit-elle en écho.

    • De plus, hors-mis le gros œuvre, c'est plus de cinq années de travail pour les petites entreprises locales, et un travail à vie pour assurer la maintenance des quatre-vingt résidences prévues. Vous imaginez l'essor de...

    • Oui !!! Cinq années de désagrément, de poussière, de bruits, d'encombrement et des tonnes de béton coulées pour noyer le cadavre de la Nature coupa-t-elle. Quel beau   programme !

    • Vous oubliez le label dont votre village pourrait se vanter, et qui attirerait des touristes de toute l'Europe, martela Julien.

    • Je crois, monsieur Portal, (appuyant fort sur le mot Portal et prenant délibérément un ton moins agressif) que du haut de votre tour d'ivoire, à Paris, vous ne savez pas ce qu'est le lever de soleil qui sort de l'eau ruisselant d'orangé et de jaune, un vol d'échassiers qui dessinent des lettres dans le ciel, dans un silence, qui permet à la mer de jouer ses partitions. Non, vous ne pouvez pas savoir ! De votre immeuble, vous n'avez pour spectacle, sûrement, qu'une avenue qui grouille dans un bruit de klaxons dissonants.

    • Je comprends votre souci... mais si vous voulez que votre commune évolue...continua Julien, sans se désunir....

    • Je crains que vous n'ayez pas compris ! coupa-t-elle avec insistance. Nous n'avons pas, certes, les moyens de surenchérir sur votre offre, mais nous mettrons en avant, que le progrès ce n'est pas ce que vous proposez. Nos valeurs ne sont pas à vendre. Elles ne sont pas négociables. Nous voulons cultiver notre jardin, sans être reclus, maîtriser le développement de la commune pour son épanouissement.

    • Belle intention, mais avec quels moyens ? Nous nous occupons de tout et vous en aurez toutes les retombées ! poursuivit Julien, étonné par la résistance de cette dame.

    • Et vous, tous les bénéfices ! s'exclama-t-elle en se moquant.

    • Je vous sens préoccupée par l'avenir de votre commune, mais j'ai peur que notre proposition ne se représente pas… Ce serait dommage !

    • Je pense que, Monsieur Portal, nous soyons amenés à ne plus communiquer, ou alors par l'intermédiaire d'avocats, plaisanta-t-elle. Toutefois, si vous passez dans le coin, je vous invite volontiers à venir prendre l'apéro au bar des salins, au coucher du soleil.

Avant que Julien n'intervienne, elle avait lâché, avant de raccrocher :« Je m'excuse, mais j'ai une réunion avec France Accueil. Au revoir monsieur ...Portal !»


 Julien était resté figé, le téléphone à la main. Il avait l'impression que le plancher s'affaissait, que son corps se vidait de son sang. Son cœur battait la chamade. Il essayait de reprendre ses esprits… En vain. Secouant sa tête de gauche à droite, il était en train de réaliser que le projet qu'il venait de défendre se situait exactement à l'endroit qu'il avait choisi pour se reposer, vivre une autre vie. Là même, où la nature avait rendez-vous…avec la Nature.


À SUIVRE...

JACKY ARLETTAZ