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Le souffle du passé -9- (Feuilleton)


Le souffle du passé                           9

 Julien fut vite prêt: il prit une douche rapide, puis il sauta dans un bermuda bleu marine, enfila une chemise en lin vert pâle; un coup de peigne,  et le voilà fringant à nouveau. Après avoir raflé une bouteille de champagne dans le frigo, pour ne pas arriver les mains vides, il mit la main sur son téléphone, qui s'éclaira. Un rapide coup d'oeil lui confirma qu'il avait un message de sa boîte.« Plus tard» dit-il tout haut. Il mit le portable dans la poche en pensant qu'il allait lui servir de lampe torche, si lui même n'était pas torché, pensa-t-il en s'esclaffant.

 Sur le chemin poussiéreux il découvrit une nature différente, aux formes plus en relief. Le crépuscule lui donnait un charme nouveau: les plaintes des oiseaux, se faisaient plus tendres, les talus plus accueillants, et son pas crissant quelquefois sur du gravier résonnait dans le soir. Les dernières cigognes rentraient pour passer la nuit derrière la rizière. Et toutes sortes de petits bruits lui tenaient compagnie pendant le trajet. Il n'était pas seul, La nuit s'empressant de jeter son voile noir, Julien sortit son portable pour suivre son chemin. 

 Celà lui rappela plein de souvenirs. Quand le soir, au village, toute sa bande partait faire, dans les ruelles les plus sombres, le tustet: en occitan un «tustet» c'est le heurtoir; tuster, c'est frapper. En effet beaucoup de maisons, surtout les maisons de maîtres, des riches propriétaires, disposent d'un heurtoir, soit en forme de main, soit en forme d'anneau. Le jeu consistait à attacher une corde à ce heurtoir et en tirant fort, réveiller la maisonnée pendant qu'ils se cachaient et observaient le spectacle.       Quelques habitants compréhensifs se doutaient de la supercherie et les invitaient à boire un coup de vin blanc aux premières heures du matin. D'autres comme Alphonse, le charbonnier, n'appréciait pas du tout qu'on l'importune. C'est donc, chez lui, qu'un soir, nous nous sommes retrouvés, évidemment. Jeannot avait eu l'idée d'intercaler un bout de laine dans la longue corde que l'on allait tirer. Il se méfiait des réactions d'Alphonse qui aurait pu sortir et nous confisquer la corde ou remonter jusqu'à nous en tirant dessus. Surtout qu'il habitait dans une impasse. 

 Nous tirâmes une première fois....Rien ne se produisit!...Une deuxième fois....Aucun effet. Mais Alphonse devait préparer son coup, car à la troisième fois, il sortit précipitamment avec un fusil à la main en gueulant:«Alors les gars, on fait moins les malins maintenant!» en braquant son arme dans le noir vers un ennemi inconnu.  Heureusement que Jeannot avait tout prévu. Il tira la corde d'un coup sec, le morceau de laine cèda, Eric rembobina la corde et nous pûmes détaler sans attendre. Ouf!« Il faudra envisager une autre stratégie» proposa Serge.


 Une douce musique signala à Julien qu'il devait arriver aux abords du chenal. Une lumière sur sa droite lui indiquait le village de pêcheurs. Il s'en approcha et put admirer la splendeur du site, un joyau posé délicatement dans un écrin. Une guirlande de lumières multicolores se balançait en cadence entre deux baraques, et sur une longue table, trois lampes tempêtes s'affrontaient. On se serait cru sur un bateau susspendu dans les airs, bercé par une douce brise caressante, En s'approchant, il croisa trois filles et comprit d'où venait cette musique qu'il avait entendue: l'une grattait la guitare, pendant que les deux autres essayaient tant bien que mal, de caler les paroles en rythme.

  Il les salua en passant et elles répondirent en choeur:«Bonsoir Mr Julien»!

À SUIVRE...

Jacky Arlettaz