A défaut d'une époque drôle, nous vivons une drôle d'époque! Au point, que les Grands de ce Monde s'évertuent à pervertir la devise Malraussienne, qui devient « Rien ne vaut une vie....mais la vie ne vaut rien!» Et sans scrupules, jonglent avec la réalité des décès de leurs concitoyens, à coups de mensonges et de décisions choquantes: pour les uns il s'agit de tenir une comptabilité revue à la baisse, pour les autres de persuader d'une incompatibilité, revue à la hausse, entre la vie et l'économie. Et notre petit pays, tel Ulysse, revenant de l'île des morts, bouche ses oreilles, et attaché au mât du cotre, se garde de ne pas céder aux chants des sirènes, bousculé par des vents contraires, emporté dans un flot tumultueux. Sans boussole, ni cartographie précise, les informations se suivent...et ne se ressemblent pas! Et vivre d'incertitudes... est la seule certitude qui demeure!
Mais notre petit pays est aussi le grand pays des Lumières, dont on aperçoit encore poindre quelques lueurs, au loin... le pays de Descartes, et d'une Raison qui a lien de parenté avec la certitude, sans qu'elle prétende à la vérité. Et que devient cette vérité, si même la Science, en ce moment, vacille sur ses fondements, pour en fournir la preuve?
Quelle ironie de voir un minuscule virus, gripper (si l'on peut dire) la machine internationale! Quelle ironie, d'entendre comme politique sociale salvatrice, les urgences réclamées hier, faites au pouvoir en place, pour changer de système!
De plus, les qualificatifs négatifs dont on affublait les citoyens, ne les ont-ils pas réfutés en réveillant en eux l'esprit de sacrifice, la volonté de s'entraider?
Individualistes? en fait, ne voulait pas dire qu'ils aimaient être seuls, ni que leur rêves étaient la solitude....mais tout simplement qu'ils appréciaient d'avoir plusieurs appartenances pour ne pas être liés par un lien unique: Nuance!
C'est dans ce climat d'incertitudes que fleurissent la peur, l'angoisse, l'insécurité....mais aussi l'aventure de l'Humanité: la certitude nous cantonne à une pensée morte, à suivre, pour ne plus avoir à penser, alors que, lorsque rien n'est certain....tout est possible! Et cet espace ouvert à l'inventivité, à l'émotion, à la solidarité, à l'intelligence collective replace l'Homme dans une situation qu'il ne devrait jamais quitter! Celle de celui qui doute, entre certitude et incertitude, qui peut toujours mieux faire parce qu'il en a les moyens, qui doit purger sa condamnation à être libre pour le bien commun.
Mais alors que le déconfinement pointe à l'horizon, il ne suffira pas que les règles soient apprises pour qu'elles soient appliquées: peut-on suivre des règles avec souplesse? La rigidité serait-elle un défaut, dans un monde où est vantée la flexibilité? La prudence et la pertinence seront de faire le choix de l'alternance entre commandement à exécuter et interprétation réfléchie. Rien d'autre finalement que se plier à des certitudes ou à s'adapter à l'incertitude.
Dans le conte oriental «Un secret pour grandir,» Salem, un garçon fait des projets tournés en dérision par les plus grands. Petit, léger, il part à l'aventure un gros sac sur le dos afin de mettre ce qu'il trouvera en chemin pour l'aider à grandir. Il voyage poussé par le vent lesté de son sac. Il doit vivre cette tension entre deux forces, pour être mi plume, bougeant au gré du vent, mi arbre enraciné. Ainsi au milieu, entre ces deux postures, coule une rivière qu'on appelle : la Vie.
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