Votre maire a un pouvoir immense. A lui/elle seul-e, il/elle peut infléchir le cours du changement climatique dans sa commune, voire dans l’intercommunalité. En effet, de ses choix, et des décisions qu’il/elle soumet au conseil municipal, dépendent l’avenir de votre communes. Et à l’heure des dérèglements climatique, façonner l’avenir ne consiste pas à choisir entre construire un lotissement plutôt qu’une zone d’activité.
Les décisions qui seront prises dans les deux prochains mandats seront déterminants. Ils détermineront si votre commune sera prête à temps pour surmonter les premiers effets du réchauffement climatique. Et donc, si votre commune s’y adaptera et maintiendra la capacité d’existence de votre communauté. Concrètement, il doit d’une part réduire les émissions carbones pour atteindre la neutralité carbone le plus rapidement possible. D’autre part, il doit préparer votre territoire à sa résilience alimentaire, énergétique et matérielle.
Or, pour relever ce défi immense, il dispose de 5 super pouvoirs.
Le maire dispose historiquement de pouvoirs étendus sur la commune. Cela s’est d’ailleurs encore accru avec les vagues successives de décentralisation. Par contre, l’Etat a dans le même temps renforcé son pouvoir de contrôle juridique et d’entrave financière aux libertés municipales. Cela n’empêche tout de même pas la commune d’être l’échelon critique pour la transition écologique.
La possession de ces nombreuses compétences, ainsi que celle – plus critique encore – de la clause générale de compétence (CGC), permet au maire d’agir quasi-librement sur sa commune. En effet, si les compétences nominatives lui permettent d’être prédominant dans leur exercice, la CGC lui permet d’intervenir dans des domaines pour lesquels il n’est pas formellement compétent, avec pour seule limite les réglementations nationales.
A cela s’ajoute son pouvoir d’association avec d’autres collectivités, puisque les relations extérieure tant nationales qu’internationales sont permises aux communes. Cela lui permet de signer des conventions avec l’état, la région, le département, les intercommunalités et communes. Mais aussi avec des communes ou des régions étrangères. De la sorte, la commune peut aussi créer ou rejoindre un syndicat mixte, un groupement d’intérêt public, une société publique locale, une société coopérative ou toute autre forme d’organisation. Une capacité qui lui permet de recevoir un soutien financier pour ses projets ou de mutualiser des dépenses. Ce qui se révèle vite indispensable pour les projets de la transition écologique.
Le pouvoir de police est un pouvoir régalien en reprenant la définition stricto sensu. Il découle de l’aspect réglementaire de la fonction du maire. En effet, pour assurer le fonctionnement des services, le maire a besoin d’arrêtés définissant le cadre légal de certaines choses. Ces arrêtés peuvent ainsi être plus restrictifs que la réglementation nationale, mais ne peuvent pas l’être moins. Naturellement, ces décisions sont soumises à un contrôle de légalité préfectoral qui s’assure de leur conformité à la loi.
Ainsi, de par la liberté que lui confère l‘article 2212 du code général des collectivité territoriales, le maire dispose d’un pouvoir de police important sur son territoire. Ce que la jurisprudence a pu ensuite encadrer, préciser et confirmer. Il peut autoriser, interdire, restreindre certaines libertés publiques, voire réprimer les infractions ou à tout le moins les signaler à l’autorité judiciaire.
Dans ce cadre, son pouvoir le plus connu est celui en matière d’urbanisme. C’est le pouvoir du maire qui change la donne. En premier lieu il réglemente les parcelles constructibles aussi, et les modalités de construction. De surcroît, il peut introduire des contraintes environnementales, préserver les corridors écologiques et les réservoirs de biodiversité. Il servira également à limiter la place de l’automobile en ville, à rendre son usage plus contraignant au profit des mobilités douces. Ce pouvoir servira par ailleurs en matière de déchet, d’énergie, de résilience alimentaire.
De surcroît, il peut mettre en place une police municipale et faire accréditer des agents de surveillance du domaine public. Par ce biais, le maire surveille l’application des arrêtés et de ses décisions. De la sorte, il peut lutter contre les comportements abusifs, et notamment ceux constitutifs d’une nuisance environnementale. Dans ce cas, il s’agit de veiller au respect de l’ordre, de la salubrité, sécurité et salubrité publique et de mettre un terme aux troubles dont il aurait connaissance. Ce qui lui est d’ailleurs opposable, puisque s’il n’y mettait pas un terme, il pourrait être sanctionné au tribunal administratif.
Par ailleurs le maire dirige aussi l’administration communale. Il est assisté d’un directeur général des services (ou secrétaire de mairie en dessous des 2000 habitants) pour la partie technique et financière de la gestion.
De nombreuses compétences municipales comme l’urbanisme, la population, la culture et l’éducation, les manifestations, l’économie, l’environnement, la mobilité se réfèrent à un pouvoir principal : l’organisation du territoire. En effet, non seulement la commune possède en propres de nombreux bâtiments et équipements, mais les voiries aussi lui appartiennent. Et au-delà, elle a un pouvoir prescriptif sur l’apparence de tout son ban.
D’une façon générale, il s’agit alors pour la commune de montrer sur elle même les effets de la transition. Rénovation énergétique performante des bâtiments et transformation de l’éclairage public sont deux mesures souvent mises en avant en la matière. Elles génèrent des économies qui financent le reste des transformations. Mais il s’agit encore d’adapter le comportement des agents dans l’exercice de leurs fonctions. A ce sujet, le plan services publics écoresponsables montre la voie.
Par la suite, la politique d’investissement de la mairie devra refléter cette ambition écologique. Il faudra par exemple réfléchir à la manière d’aménager et de rénover les voiries et espaces publics. La commune pourrait aussi proposer des services innovants comme un atelier vélo ou un broyage des déchets verts. Ces transformations pourraient être facilités grâce à des agents spécialisés dans les tâches environnementales, et qui serviront tout autant à l’adaptation des services municipaux qu’aux habitants.
Les communes peuvent gérer de grosses sommes d’argent. Même une commune de quelques centaines d’habitants a un budget qui se chiffre en centaines de milliers d’euros. Mais, pour des raisons légales, les communes ne sont pas libres en matière de gestion financière. D’une part, elles n’ont pas de compte en banque. D’autre part, les trésoreries publiques leur demandent de justifier la moindre dépense. Néanmoins, bien que le contexte budgétaire soit de plus en plus contraint pour les communes, les possibilités restent énormes en la matière. Certes, le code de la commande publique pose un cadre assez strict, mais celui-ci permet quand même de soutenir des filières vertueuses.
D’abord, de par les services et bâtiments placés sous son autorité, le maire – et ses agents – ont à acheter de nombreux biens, services et prestations. Ainsi, pour les cantines scolaires, l’accent peut être placé sur la bio. En matière d’énergie, la mairie pourrait rechercher un producteur d’énergie renouvelable, les emprunts signés auprès de banques éthiques, etc.
Ensuite, il ne s’agit pas seulement de soutenir, mais aussi de couper les financements. Tout ce que vous donnez aux filières protégeant l’environnement, vous ne le donnez pas à celles qui le détruisent. Car les marchés publics, si le cahier des charges exige des clauses sociales et environnementales, peut ainsi permettre une politique efficace de boycott et de désinvestissement.
Enfin, les communes ont la possibilité d’accorder des subventions librement. Par exemple, en matière de rénovation énergétique ou patrimoniale, il n’est pas rare que votre mairie puisse prendre en charge une partie des frais. Et dans le cas de la rénovation énergétique, grâce aux dispositifs de l’ANAH, ce sont même parfois l’intercommunalité et le département qui participent au financement, avec en moyenne 50% de subvention publique. Là encore, c’est un outil puissant pour encourager les habitants et aider indirectement des entreprises locales.
Ensuite, le maire dispose de par sa légitimité électorale d’une influence considérable sur le territoire. Il est le représentant de chaque citoyen, et donc celui vers qui se tourner.
C’est pourquoi, au-delà de ses pouvoirs de police et de réglementation, son avis compte. Un maire dont l’administration est exemplaire, dont les efforts de mutualisation sont réels, qui soutient l’économie locale vertueuse, est un maire inspirant. Il ne s’agit pas de personnaliser le pouvoir ou d’idéaliser une personnalité salvatrice. Au contraire, il s’agit de préciser les conditions selon lesquelles l’exécutif municipal, quelle que soit sa configuration, soit en mesure d’entraîner ses concitoyens dans la transition.
L’idée pour le maire est de déteindre sur les autres habitants. Grâce à la mairie, et aux moyens mis en oeuvre, les habitants pourront se rendre compte que ce n’est aussi difficile, que des outils sont mis à leur disposition, voire qu’ils peuvent y gagner en confort et/ou qualité de vie. A cet égard, la gazette communale est un outil précieux. Elle créé le récit de la transition écologique locale, de son évolution et de ses succès. Mais encore elle souligne les initiatives de voisins inspirants, transmet des idées, des conseils.
En somme, sans avoir un pouvoir de contrainte réelle sur les ménages, la mairie peut leur donner l’envie de se lancer. Elle peut contribuer à faire émerger le pouvoir d’agir de chacun.
Ce tour d’horizon ne serait pas complet sans les pouvoirs du président de l’intercommunalité dont fait partie votre commune.
Ses pouvoir lui viennent de transfert de compétences communales. Ces transferts sont soit obligatoires, soit facultatifs, mais un maire peut néanmoins s’y opposer.
Normalement, en 2020, votre EPCI s’occupe des déchets, des cours d’eau, de l’eau et de l’assainissement, de l’urbanisme, des voiries intercommunales, de l’activité économique, du plan climat, en partie de l’habitat et des transports. Certains s’occupent aussi de la petite enfance ou de la police intercommunale, etc. Des compétences qui lui donnent par ailleurs des pouvoirs de police.
En réalité, le vrai pouvoir climatique du président d’intercommunalité réside dans le schéma de mutualisation. C’est en effet la taille critique de l’EPCI, d’au moins 15 000 habitants normalement, qui lui donne les moyens d’agir. Ce peut être l’embauche des agents clés de la transition d’une part via un portage intercommunal. Mais aussi d’autre part le prêt de matériel, la négociation des contrats, l’achat groupé.
L’association de ces 5 pouvoirs est l’une des clés pour engager une transition écologique efficace au niveau local. Un maire d’une commune en transition ne peut se contenter d’adapter la réglementation locale. Il doit aussi transformer radicalement ses services munipaux, changer sa politique d’achat et de subvention, mutualiser moyen et personnel avec d’autres communes et se servir de tout ça pour influencer les habitants, les pousser à s’engager dans la démarche eux aussi.