Chaque crise, au-delà de son aspect dramatique, doit servir à quelque chose… là, nous sommes débarrassés du commentaire sur la course au pouvoir ou sur l’état des rapports de force… Il faudra bien que cela revienne, mais pour l’heure, place à l’essentiel. Et en France, l’essentiel c’est Liberté, égalité, fraternité… Il faut reprendre chaque mot du triptyque et voir ce qui est en jeu, bouleversé par le coronavirus !
La liberté, d’abord : elle est contrainte, pour l’instant … celle d’aller et venir. Elle est surtout interrogée avec le traçage numérique. Nous y venons, c’est certain… mais sommes-nous assez attentif à ce que cette technique peut avoir comme conséquences sur nos libertés… c’est quand on est en danger que l’on baisse la garde des libertés pour plus de sécurité. C’est naturel mais on ne songe pas toujours à la rehausser après coup. Surtout quand la technologie (et donc l’impression du progrès) est en jeu. Ce débat, malheureusement, à cause de l’urgence et de sa complexité technique, n’aura pas lieu au bon niveau et avec l’intensité qu’il mérite.
L’égalité en suite : d’autres formes d’inégalités, que nous ne percevions pas avec une telle acuité, nous sautent aux yeux : des métiers et fonctions dévalorisés, pénibles, sont en fait essentiels et devront être mieux considérés et rémunérés après… Les inégalités territoriales aussi… La remise à niveau des quartiers populaires sous dotés en tout, longtemps ignorés et stigmatisés, apparaitra enfin –espérons-le- comme légitime.
Enfin, la fraternité...La crise permet d’éprouver l’importance et de caractériser ce troisième mot. Parce que si la liberté et l’égalité (notions complémentaires et en même temps concurrentes) sont des notions de droit, quantifiables, qui peuvent être renforcées ou affaiblies par la loi, la fraternité ne se décrète ni ne se mesure. Ce n’est pas une valeur mais un sentiment. On ne peut pas négocier plus ou moins de fraternité, on l’éprouve ou pas. Et c’est la vitalité de ce sentiment dans une société qui fait que l’on peut se sentir un destin commun et donc établir des règles avec plus ou moins de liberté et d’égalité.
La fraternité, le plus universel des trois mots : ‘l’égoïsme et la haine ont seuls une patrie, la fraternité non’, disait Lamartine… la fraternité, ce sentiment presque mystique, est complexe à appréhender dans une société politique comme la nôtre qui sépare le spirituel du temporel. C’est justement dans ces moments de crise qu’on peut éprouver la fraternité : la reconnaissance envers les soignants, le dévouement de ces derniers, les multiples initiatives de solidarité, nationales ou de voisinage… Et puis le respect de la ‘distanciation sociale’, terme paradoxale, qui exprime, en réalité le contraire de ce qu’il dit, puisqu’il signifie prendre soin de soi et des autres !
Tout ce que nous vivons peut nous faire toucher du doigt le troisième mot : fraternité. Les secousses de l’histoire, telles que nous les traversons en ce moment, sont des temps cruciaux et refondateurs, au cours desquels l’essentiel revient à la surface pour être questionné… ce ne sont certainement pas des temps à confiner la politique !
* anglicisme pour service audio à la demande ou baladodiffusion