Les dernières municipales ont confirmé que l’on peut gagner un scrutin en étant sociologiquement minoritaire. »
« Quand tout le monde est minoritaire, n’importe quelle minorité peut s’emparer du pouvoir pour donner naissance, le plus démocratiquement du monde, aux monstres qui font l’actualité », alerte Michel Urvoy, journaliste.
Le peuple veut. Le peuple pense que. Le peuple est en colère. Le peuple sait… À chaque fois que monte le parfum des élections, chacun convoque ainsi le peuple. Enfin, son peuple.
Car de quoi parle-t-on ? Du peuple des citoyens d’accord avec vous, à l’exclusion de tous les autres ? Pour celui-ci, il serait de gauche. Pour celle-là, il serait de droite. Pour ceux-ci, les patrons, les banquiers, les assureurs, les médecins, les journalistes, les élus… n’en feraient pas partie. Le peuple, ce serait donc moi et mes supporters ?
Bien au contraire, le peuple, c’est tout à la fois : les citoyens, quel que soit leur niveau social, leur responsabilité, leur profession, leur religion, leur âge, leur sexe… Mais c’est aussi toutes les organisations mises en place au nom du peuple – la justice, la police, l’armée, l’école, les assurances sociales, les institutions représentatives… – afin d’organiser la société.
Ainsi, il n’est pas de projet politique digne de ce nom qui ne prenne pas en compte cette globalité et les demandes contradictoires qu’elle revêt. Une élection n’est pas la création d’un fan club ; elle est la construction de projets, différents mais cohérents, capables de dépasser les demandes contradictoires de la société.
Sinon, cela s’appelle de la démagogie, ou du populisme.
Penser le peuple par petits bouts, c’est opposer les uns aux autres, créer un émiettement politique, s’affaiblir mutuellement, s’interdire de trouver des majorités, et in fine exposer le pays à un risque démocratique majeur.
Les dernières municipales ont confirmé que l’on peut gagner un scrutin en étant sociologiquement minoritaire. Quand l’adhésion à un élu ne représente qu’un citoyen sur quatre ou sur trois en âge de voter, il ne faut pas s’étonner du climat de défiance qui s’ensuit.
Le gagnant sera un vainqueur faible
Quand on observe la frénésie des ambitions pour la prochaine présidentielle, quand on voit l’empressement, encouragé par les réseaux sociaux, à se présenter « contre » mais jamais « avec », on peut être assuré, si les choses continuent ainsi, que le gagnant sera un vainqueur faible.
Une minorité peut gagner
Mais le pire, c’est l’étape d’après : quand tout le monde est minoritaire, n’importe quelle minorité peut s’emparer du pouvoir pour donner naissance, le plus démocratiquement du monde, aux monstres qui font l’actualité. Au grand dam du… peuple qui les aura fait ou laissé élire !
Pour éviter la grande embardée, il faut relancer la recomposition politique amorcée depuis que la classification droite-gauche a perdu de sa pertinence, notamment pour ceux, les jeunes, qui n’ont connu ni la droite, ni la gauche.
Les différences et les convergences, aujourd’hui, s’évaluent autour de curseurs que chacun positionne à sa façon : entre richesses et solidarités, protection et libéralisme, croissance et environnement, libertés et sécurité, ouverture et protectionnisme, Europe et nation, centralisme et décentralisation, prélèvements et politiques publiques de recherche, de santé, d’éducation.
Autour de ces questions, il existe de vraies fractures. Mais aussi des vraies convergences, souvent masquées par des étiquettes partisanes délavées. Il serait grand temps, si l’on veut éviter de très mauvaises surprises, de calmer les vaines ambitions personnelles pour rechercher ce qui rapproche plutôt que ce qui divise.
ARTICLE DE MICHEL URVOY, JOURNALISTE À OUEST-FRANCE LU SUR LE SITE RÉSISTANCE INVENTERRE