Avec son association Espoir & Création, la décoratrice Hind Ayadi donne des couleurs au quotidien des habitant·e·s de Garges-lès-Gonesse. À l’initiative du Garges Clean Challenge, elle a mis les jeunes, qui sombraient dans de violentes rixes entre quartiers, au défi de faire briller leur cité.
Dès l’enfance, elle apprend que chez les Ayadi, rien ne se perd, rien ne se crée,tout se transforme. Donner une nouvelle jeunesse à des objets de récupération est le but aujourd'hui de l’un des ateliers proposés par son association,Espoir & Création, fondée en 2008. Sa mission : “apporter l’art, le design et la déco dans les quartiers populaires et prioritaires”, résume cette brune énergique de quarante ans au franc-parler. Décoratrice reconnue d’hôtels, restaurants, riads marocains,travaillant pour la publicité et le cinéma, Hind Ayadi était souvent sollicitée par les habitant·e·s de son quartier qui lui demandaient conseils et astuces pour leurs intérieurs. Elle le revendique : “Ici, les gens n’ont pas d’argent, mais ils ont droit eux aussi à la beauté.”Dans le local de son association, situé au pied d’une barre d’immeubles près d’un jardin partagé, des enfants, des retraité·e·s, des pères et mères seul·e·s viennent exprimer leur créativité, et “surtout ce qu’elles et ils ont sur le cœur”, ajoute Hind Ayadi. Suivant l’exemple de son père, un ancien champion d’arts martiaux devenu médiateur respecté dans la cité, elle leur prête l’oreille. “Des mamans fondent en larmes une fois franchi le pas de la porte. Après avoir tout tenté,elles mettent leurs espoirs en moi pour sauver leurs gamin·e·s.”
Début 2019, Garges-lès-Gonesse fait parler d’elle pour une nouvelle série d’affrontements à l’arme blanche entre jeunes. Soutenue par des “grands frères” du quartier, Hind Ayadi réagit et lance au début du mois d'août 2019 le Garges Clean Challenge avec le hashtag #MaCitéVaBriller, en détournant les codes des défis que les ados se lancent sur Snapchat pour les attirer. L’objectif : réunir des jeunes de quartiers rivaux pour nettoyer ensemble leurs lieux de vie et amorcer ainsi un dialogue. Beaucoup d’ha-bitant·e·s n’y croyaient pas, trop risqué. “Jusqu’au jour où, parleur fenêtre, ils m’ont vue arriver, entourée de plusieurs mecs équipés de pinces pour débarrasser les rues, les squares, etc., d’ordures en tout genre”, raconte Hind Ayadi. Durant tout l'été et les mois suivants, plusieurs reportages sont consacrés à “ce défi écolo des cités qui fait le buzz.” “D’habitude, les médias parlent des jeunes des cités dans la rubrique des faits divers. Se retrouver en une des journaux français et étrangers,comme le Guardian et le New York Times, sous un angle positif,leur a fait prendre conscience de leur potentiel à devenir acteurs et actrices de leur environnement.”
L’association, qui compte trois salariés, permet à des habitants de tous les âges de participer à des loisirs créatifs ou encore de participer à un webzine. Des activités qui permettent à certains de remettre le pied à l’étrier.
« C'est une fierté, sourit-elle. J'ai commencé seule comme bénévole, aujourd'hui j'ai créé de l'emploi, on est trois salariés. C'est exceptionnel pour une association. » En cette période, beaucoup de choses lui reviennent en mémoire. « Je me rends compte du chemin parcouru, de ce que j'ai accompli avec peu de moyens mais beaucoup de volonté et un réseau. » Quand elle débute, elle veut décorer les foyers sociaux de mères seules. « On m'a vite expliqué que c'était compliqué. Je me suis dit pourquoi ne pas créer des activités autour de la récup', car au quartier on ne peut pas se permettre d'acheter des meubles… Moi j'ai appris le métier avec ma mère. J'aborde les gens par l'art mais il y a quelque chose de plus profond. »
C'est encore ici, qu'elle met en place un jardin potager et permet aux habitants de participer à des ateliers créatifs. Avec le lancement du webzine « Urban street reporters », Hind Ayadi, mère de deux enfants, veut faire entendre les voix de la jeunesse sur des sujets de société. Elle pousse le plus grand nombre « à croire en ses rêves, à les réaliser. »
Tout n'a pas été facile. « On a connu des moments difficiles. Aller à des forums de l'emploi avec des jeunes et revenir sans que personne ne soit retenu. J'ai douté bien sûr, sinon ça ne serait pas normal. » Il y a aussi des problématiques qui la dépassent. « Parfois, je me sens impuissante, c'est dur ». Elle comprend qu'« elle ne peut pas sauver l'humanité ». Et finit par l'accepter. « C'est comme sur un ring, après un KO. Tu te relèves. C'est aussi le message que je transmets », insiste cette adepte de la boxe. Chez E&C, il n'y a pas de frontière territoriale, tout le monde peut passer la porte. Parce que c'est avant tout « une famille ».
A l'heure actuelle, notre objectif est de dépersonnaliser les lieux de vie à travers l'expression artistique et ce avec la participation et le consentement des habitants. Des modules d'initiation sont mis en place avec la collaboration de notre réseau d'artistes.
Tous les lieux de vie sont concernés : Halls d'immeubles, MJC, crèches, maisons de retraite. Donnons de la vie et de la couleur à ces lieux empruntés chaque jour. Bien entendu, le choix artistique est pensé et choisi en concertation avec les résidents. A titre d'exemple, un de nos projets a vu la naissance d'un musée éphémère dans un immeuble de Garges-Lès-Gonesse. Projet qui consistait à faire revivre l'histoire de cet immeuble et des générations qui s'y sont succédé.
Mais notre intervention peut également concerner l'aménagement, le design, la décoration et toute autre amélioration envisageable des locaux.
C'est en constatant la dimension impersonnelle des équipements collectifs que nous en sommes venus à ce projet.
Donner le sentiment de se réapproprier les lieux, de valoriser le patrimoine culturel de leurs quartiers sont un formidable moteur pour les usagers. Par ailleurs, la participation active des habitants fournit aux individus sans qualification une certaine revalorisation et crée ainsi une dynamique positive dans leurs trajectoires personnelles.
C'est pour tous ces bienfaits que nous portons ce projet et cette association.
EXTRAITS D'ARTICLES À LIRE DANS LEUR INTÉGRALITÉ SUR LA PAGE FACEBOOK DE L'ASSOCIATION, SUR LE SITE D'HIND AYADI, SUR LE SITE DU MAGAZINE FEMMES D'ICI ET AILLEURS ET SUR LE SITE DU PARISIEN