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L’APRÈS M


L’APRÈS M

L’après M, c’est le nom donné à un ancien McDonald’s, à Marseille, que des militant·es ont réquisitionné pour le transformer en un lieu de rencontre, d’entraide et d’expérimentation sociale.

« On ne veut pas faire de ce lieu un symbole politique mais un symbole humain. On cherche avant tout à combattre la misère », a expliqué Kamel Guemari, ancien leader syndical du McDonald’s du quartier Saint-Barthélémy, à Marseille. Le fast-food états-unien a en tous cas perdu ses couleurs et son enseigne habituelles. À la place, est apparu un lieu tout de rose et de bleu vêtu. Quant aux lettres lumineuses qui trônaient sur le toit, dont le célèbre M jaune, elles ont été déplacées, découpées, retournées, détournées, pour donner « l’après M ». Mais ce restaurant n’a pas seulement changé de peau, il a aussi changé de cœur : finie, la machine à faire du cash à base de malbouffe. Les militant·es marseillais·es en ont fait un lieu de rencontre, de solidarité et d’expérimentations sociales. « »Labeis ! », s’amuse Salim Grabsi, l’une des chevilles ouvrières de L’après M. En arabe, ça veut dire « ça va ». Mais ici, ça signifie aussi « Laboratoire d’expérimentations et d’innovations sociales  » ! »

Début 2018, pourtant, l’avenir s’annonçait plutôt sombre pour les salarié·es de ce McDonald’s, puisqu’ils apprenaient que la direction du groupe voulaient se séparer de ce restaurant. Officiellement, elle avait prévu de le revendre à un obscur homme d’affaires censé reprendre le personnel pour lancer un « fast-food hallal ». Plus sûrement, elle souhaitait se débarrasser d’un bastion syndical trop dérangeant pour le groupe (L’âdf  n° 134). La revente sera finalement jugée illégale et donc annulée, sans pour autant contraindre McDonald’s à rouvrir son établissement, qui est ainsi resté fermé plusieurs mois.

Réquisition citoyenne

Et puis est arrivé le Covid-19. Dans ce quartier déjà très pauvre de Saint Barth’, l’épidémie et le confinement finissent de précariser une partie de la population. Les pouvoirs publics répondent absents, il y a pourtant urgence à agir. « Franchement, même moi, j’ai eu du mal à y croire, mais c’était bien la réalité : des gens étaient en train de mourir de faim, à Marseille, en France, 6e puissance économique mondiale !, nous expliquait alors Salim Grabsi (L’âdf n° 151). À la télé, le président a dit que nous étions en guerre. On l’a pris au mot, et on a réquisitionné ce McDonald’s ».

Le lieu devient ainsi un point névralgique du quartier où sont centralisés des dons alimentaires qui sont ensuite distribués sous forme de colis aux personnes qui en ont besoin. Plus de 10 000 familles en bénéficient. Celles et ceux qui peuvent se déplacer passent au drive, et des livraisons à domicile sont organisées pour les autres. Un an plus tard, cette aide alimentaire d’urgence fonctionne toujours, et s’est étendue aux produits de première nécessité. L’association Massilia Couches System, par exemple, apporte le nécessaire aux jeunes parents. Car au fil des mois, L’après M a aimanté bonnes volontés et organisations citoyennes diverses. La Base, Extinction Rebellion, Alternatiba…

« À travers cette lutte, on a rencontré des gens que nous n’avions pas l’habitude de fréquenter dans nos quartiers populaires. En fait, tout est fait pour que nous ne nous parlions pas, et je comprends pourquoi : quand on se met à réfléchir tous ensemble, il émerge une intelligence collective extraordinaire ! »

José Bové en connaisseur

Aujourd’hui, L’après M est devenue une véritable plate-forme logistique pour l’entraide, à l’échelle de toute la ville de Marseille. Pourtant, les militant·es sont toujours, bien qu’ils l’assument, en situation d’illégalité, puisque les murs ne leur appartiennent pas. Ce qu’ils espèrent, donc, c’est que McDonald’s accepte de céder le bâtiment à la Fondation Abbé Pierre, qui le mettrait à disposition d’une société coopérative d’intérêt collectif. L’objet de cette Scic serait de faire tourner un restaurant d’insertion et d’application, afin de proposer une restauration solidaire tout en formant des jeunes et en créant des emplois. La municipalité, jusque-là absente, s’est enfin manifestée. Le nouveau maire Benoît Payan s’est rendu récemment sur place et a assuré que la commune faciliterait les négociations avec la direction de McDo. Pourquoi la firme ne lâcherait-elle pas le bâtiment pour un euro symbolique ? Ce serait le juste prix, selon José Bové, qui était présent à l’inauguration de L’après M le 19 décembre, et qui parle en connaisseur : « Je sais comment c’est construit, j’en ai démonté un ! », s’est amusé celui qui avait participé au démontage du McDo de Millau en 1999.

LIRE L'ARTICLE INTÉGRAL, AVEC LE LIEN VERS LA CAGNOTTE, SUR LE SITE DU JOURNAL L'ÂGE DE FAIRE