Les libertés fondamentales forment les droits essentiels d’un individu et sont assurés par l’État dans le cadre d’un État de droit. Cette notion reste toutefois abstraite. Ces principes ne sont par exemple pas clairement cités et listés dans la Constitution, bien que le préambule de cette dernière rappelle les textes fondateurs (la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l’environnement). Les libertés fondamentales sont par exemple : la sûreté, le droit au nom, la liberté d’opinion, de culte, l’égalité, le droit à l’emploi…
Tous les gouvernements posent les limites au respect ou non de ces droits. En Corée du Nord, par exemple, le dirigeant Kim Jong Un détient tous les pouvoirs, et les libertés sont souvent mises à mal : camps d’emprisonnement pour les opposants politiques, population soumise à un contrôle quasi constant… En Arabie Saoudite, la famille royale contrôle les médias, la religion de ses citoyens, interdit une opposition politique etc. Les exemples de restriction de libertés sont nombreux. Ian Vásquez et Tanja Porcnik, de la Cato Institute, réalisent chaque année un rapport sur les libertés dans le monde, permettant de comparer les différences entre les pays du globe.
Différents états d’urgence peuvent porter atteinte aux libertés fondamentales. Lors des attentats, un état d’urgence a été mis en place et les autorités se sont retrouvées avec plus de pouvoirs, restreignant parfois les libertés individuelles (par exemple: interdiction de manifester). La crise actuelle a mis en place un nouvel état d’urgence, sanitaire cette fois-ci. Les Français ont vu certaines de leurs libertés limitées. Ces mesures prises face à un danger extérieur peuvent effrayer et sont remises en question.
(par Guy Rougier, Médecin, membre du SMAER (Syndicat des médecins d’Aix en Provence et Régions))
En tant que syndicalistes, nous sommes contre la limitation des libertés individuelles, mais, en tant que médecins, nous sommes pour la création d’un état d’urgence sanitaire (limité dans le temps) dans certaines situations.
Depuis des décennies et dans tous les pays du monde, les lois, les plans de santé sont basés sur les réductions de budget, la prévention ne rapportant pas d’argent à court terme, est insignifiante. L’arrivée d’une pandémie brutale de virus « inconnu », sans traitement « avéré », sans plan et matériel de sécurité sanitaire prêt, n’a plus que deux solutions d’urgence.
L’absence de contraintes n’est pas du tout synonyme de démocratie et de liberté. Il faut savoir accepter la limitation « temporaire » de sa liberté pour la démocratie.
En France, le confinement d’un mois était justifié dans ces circonstances, mais la prolongation cache uniquement la méconnaissance ou l’incompétence des conseillers associées à la gangue administrative. Dans ces situations, la vigilance est recommandée et le combat nécessaire pour lutter contre l’indigence ou la malveillance d’une partie de nos autorités de tutelle qui peuvent profiter de l’état d’urgence pour le transformer en une limitation de nos libertés.
(par Manuela Brillat, Secrétaire générale de l’association Plaider les droits de l’homme, Avocate au barreau de Strasbourg au sein du cabinet 4T8)
Posée en des termes si absolus, la réponse à cette interrogation ne peut être que négative. Opposer l’urgence sanitaire aux libertés pose d’emblée le débat sur de mauvais rails : il oppose les droits fondamentaux entre eux au lieu de les combiner. Un telle opposition est un raccourci dangereux dans une démocratie.
En effet, en temps normal, dans un État de droit existe un équilibre entre les différents droits fondamentaux que l’État entend protéger. Cet équilibre prend en compte le contexte et peut impliquer des restrictions réciproques aux droits : en tant que telle, la restriction n’est pas en opposition avec la garantie des droits si elle est proportionnée, c’est-à-dire utile au but poursuivi et justement calibrée pour l’atteindre. Par exemple, la liberté d’expression de chacun est restreinte par l’interdiction faite à tous de diffamer, de porter atteinte à l’honneur ou d’insulter une autre personne.
L’équilibre repose sur cet alliage subtil entre différentes restrictions à différents droits. En période de crise, qu’elle soit sanitaire, terroriste ou institutionnelle, le réflexe de peur face à l’anormal ou à l’inconnu s’installe. Le choix conscient d’équilibre entre les droits laisse la place à une réaction spontanée qui consiste à tenter de contenir la situation par tous moyens, y compris par une atteinte aux droits de la personne considérés alors comme secondaires face à la menace : l’état d’exception naît.
Ce qui est alors qualifié de restriction des libertés (la liberté existe mais son exercice est calibré) est en réalité une dérogation : la liberté est réduite à peau de chagrin, voire supprimée. Un renversement s’opère qui place non plus la liberté comme principe mais la liberté comme exception.
Plus cet état d’exception dure, plus il entaille le principe démocratique, plus il est difficile de rétablir l’équilibre (initial ou nouveau). Le risque est alors immense : le provisoire qui dure, y compris lorsque l’état d’exception a été officiellement révoqué.
Nous l’avons vu avec l’état d’urgence lié à la menace terroriste : nous avons intégré dans le droit commun des mesures d’exception qui sont aujourd’hui règle commune. Le sillage de l’état d’urgence sanitaire laisse entrevoir un futur similaire à travers la question des données personnelles notamment. Tous ces éléments rappellent un point essentiel : l’équilibre entre les droits n’est pas inné, il constitue un choix conscient qui doit être sans cesse renouvelé, surtout en période de crise. C’est là toute la grandeur – et la gageure – de la démocratie.
EXTRAITS D'UN DÉBAT À LIRE DANS SON INTÉGRALITÉ SUR LE SITE LE DRENCHE