L'urgence écologique demande des finances (on le voit à chaque COP). Le monde n'a jamais été aussi riche, la difficulté est la concentration de la richesse dans relativement peu de "mains" et celles-ci ne semblent pas vouloir participer à auteur de leurs revenus pour lutter contre cette urgence écologique. C'est pourquoi il faut regarder en face les dysfonctionnements économiques pour en tenir compte dans le cadre d'un changement sociétal qui permette de répondre à l'urgence écologique.
(voir ci-dessous deux articles tirés de journaux qui n'appartiennent pas à l'extrême gauche mais pour l'un à l'homme d'affaire Patrick Drahi et pour l'autre aux hommes d'affaires Xavier Niel et Matthieu Pigasse)
Oxfam publie son rapport annuel sur l'état des inégalités, qui pointe du doigt la responsabilité d'une fiscalité déséquilibrée et injuste.
Les inégalités s’exercent à toutes les échelles. Entre Etats d’abord. Les pays de l’OCDE affichent un revenu par habitant 52 fois plus élevé que celui des pays à revenu faible. Entre individus ensuite, en recoupant souvent d’autres inégalités. Aux Etats-Unis, un homme blanc possède ainsi en moyenne un patrimoine 100 fois plus important qu’une femme hispanique. Certains déséquilibres sont si marqués qu’aucune échelle ne semble plus pouvoir les mesurer. Ainsi 1 % seulement de la fortune de Jeff Bezos, patron d’Amazon et homme le plus riche du monde, avoisine le budget de la santé de l’Ethiopie et de ses 105 millions d’habitants.
Ces inégalités pèsent lourdement sur la vie de millions de personnes. Au Népal, un enfant issu d’une famille pauvre est 3 fois plus susceptible de mourir avant l’âge de 5 ans qu’un enfant d’une famille riche, faute de véritables services publics sanitaires. «Aux Etats-Unis, un enfant noir est 2 fois plus susceptible de mourir avant sa première année qu’un enfant blanc.
La concentration des richesses entre quelques mains, en hausse depuis 2009, a continué à augmenter l’an passé. Désormais, 26 personnes possèdent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité, soit 3,8 milliards de personnes. Ils étaient 43 en 2017. La fortune des milliardaires a augmenté de 900 milliards de dollars en 2018, l’équivalent de 2,5 milliards par jour. Un enrichissement qui s’est fait aux dépens des plus pauvres. La réduction de la pauvreté ralentit depuis 2013, et l’extrême pauvreté s’intensifie même en Afrique subsaharienne.
«Ces inégalités ne sont pas une fatalité mais le résultat de choix politiques», martèle Oxfam. Une fiscalité progressive, destinée à financer des services publics universels et gratuits serait tout à fait apte à réduire les écarts de richesses et leurs conséquences. «Dans les années 2000, les inégalités de revenus ont connu un recul phénoménal en Amérique latine, grâce à des Etats qui ont augmenté les impôts pour les plus riches, relevé les salaires minimum et investi dans la santé et l’éducation», rappelle le rapport. Des services publics universels et de qualité ne sont pour autant pas l’apanage des pays riches. Dès 2002, la Thaïlande a mis en place un système de santé universel. En profitant à tous, mais surtout aux plus pauvres à qui il ouvre l’accès aux soins, il réduit les inégalités.
«Les taux maximum d’impôt sur le revenu, les successions et les sociétés ont diminué dans de nombreux pays riches, rappelle le rapport. Si la tendance était inversée, la plupart des Etats auraient des ressources suffisantes pour fournir des services publics universels.» Aux Etats-Unis par exemple, le taux maximum d’impôt sur le revenu des particuliers était de 70 % en 1980, alors qu’il n’est plus aujourd’hui que de 37 %.
Ce sont les plus riches qui ont bénéficié de ces baisses généralisées. «Pour chaque dollar de recette fiscale, en moyenne seulement 4 [centimes] proviennent de la fiscalité sur la fortune», interpelle le rapport. «L’argument toujours opposé aux hausses de la fiscalité sur les plus riches est le risque d’augmentation de la fraude fiscale. Mais c’est un leurre, assure Cécile Duflot. Les recettes de l’ISF n’ont cessé d’augmenter depuis sa création. Les impôts élevés mènent certes à plus de fraude mais surtout à davantage de recettes. Les exilés fiscaux ne représentent que 0,2 % des assujettis à l’ISF», détaille la directrice d’Oxfam France.
Les impôts tels qu’ils sont répartis aujourd’hui n’épargnent pas seulement les riches. Ils pénalisent aussi les pauvres. «Depuis la crise de 2008, le poids de la fiscalité a été transféré des entreprises vers les ménages, l’augmentation nette des recettes fiscales est attribuable aux impôts sur les salaires et aux taxes sur la consommation comme la TVA», précise Oxfam. Ces taxes sur la consommation, identiques pour tous, aggravent les inégalités puisqu’elles pèsent plus lourdement sur le budget des moins riches. Si on combine les différents impôts, on en arrive dans certains pays, comme au Royaume-Uni, à des déséquilibres tels que les 10 % les plus pauvres paient proportionnellement plus que les 10 % les plus riches. Troisième fortune mondiale, le milliardaire américain Warren Buffet lui-même a souligné que son taux d’imposition reste moins élevé que celui de sa secrétaire.
La première des inégalités est financière et concerne les revenus. Malgré le système de redistribution (impôts et prestations sociales), les 10 % des Français les plus riches possèdent à eux seuls plus du quart des revenus, soit dix fois plus que les 10 % les plus pauvres.
Ces inégalités tendent à s’amplifier, puisque les augmentations de revenus ne profitent pas également à tous : entre 2003 et 2013, les plus modestes ont gagné en moyenne 2,3 % de pouvoir d’achat alors que sur la même période, les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter vingt fois plus (42,4 % de hausse).
Les décalages entre les catégories professionnelles s’accroissent avec l’âge : alors qu’un cadre junior gagne 1,8 fois le salaire d’un ouvrier, cet écart passe de 1 à 3,6 en fin de carrière.
Les inégalités sont encore plus flagrantes lorsqu’on observe le patrimoine des Français. L’ensemble des possessions des 50 % les plus pauvres ne représente que 8 % du patrimoine total, alors qu’à l’autre bout de l’échelle sociale, 1 % des Français les plus riches concentrent 17 % des richesses.
Certains écarts sont vertigineux : ainsi, la patronne de L’Oréal, Liliane Bettencourt, possède plus de 31,2 milliards d’euros, ce qui représente l’équivalent de 1,77 million d’années de salaire minimum (smic).
Les écarts salariaux entre les sexes peuvent s’appréhender de différentes manières, comme le rappelle le rapport de l’Observatoire des inégalités : selon le sens de lecture, les femmes gagnent en moyenne 18,6 % de moins que les hommes… ou bien les hommes gagnent 22,8 % de plus que les femmes. En tout cas, l’écart s’élève à 448 euros nets en 2014.
Une moyenne qui cache des écarts plus importants chez les cadres à hauts revenus (20 %) que chez les ouvriers (8,9 %), et des situations professionnelles diverses. En effet, les femmes occupent davantage d’emplois à temps partiel ou moins qualifiés. Mais même en corrigeant ces variations, l’écart résiduel (c’est-à-dire la discrimination inexpliquée) atteint 10,5 %.
Comment appréhender la pauvreté ? Cette réflexion a été longuement détaillée par l’Observatoire des inégalités. Statistiquement, deux seuils de pauvreté sont communément utilisés : 50 % du niveau de vie médian (celui qu’utilise le plus souvent l’Observatoire) ou 60 % (le seuil retenu par l’Insee). Dans les deux cas, le nombre de personnes qui n’atteignent pas ce niveau de vie a fortement augmenté, en raison de la crise de 2009 : on compte entre 950 000 et 1,2 million de pauvres supplémentaires entre 2004 et 2014, soit une hausse de 1,2 %.
Le décalage de chances entre les enfants commence dès l’école primaire : selon le ministère de l’éducation nationale, plus de 20 % des élèves dont les parents sont sans emploi et 10 % des enfants d’ouvriers ont déjà redoublé à l’entrée en sixième, contre seulement 3 % des enfants de cadres. Le rapport souligne aussi le fait que dans les Segpa (classes adaptées aux élèves en difficulté), 90 % des élèves ont des parents ouvriers, employés ou inactifs.
Ces inégalités se retrouvent en fin de parcours scolaire. En effet, on constate de gros écarts entre les niveaux de diplôme obtenu par des élèves entrés en sixième en 1995, selon la profession de leurs parents. Les enfants de cadres supérieurs ou d’enseignants ont dix fois plus de chance d’obtenir un bac + 5 que les enfants d’ouvriers.
Les chiffres sont encore plus vertigineux concernant l’accès aux filières les plus prestigieuses : en 2015, plus des deux tiers (68,8 %) des élèves de l’Ecole nationale d’administration (ENA) avaient des parents cadres, contre seulement 4,4 % de parents ouvriers – alors qu’ils représentaient 20 % de la population active en 2014, selon l’Insee. Ils étaient également 63,7 % d’enfants de cadre à Polytechnique et 46 % dans les écoles d’ingénieurs.
Le rapport précise toutefois que tous les indicateurs ne sont pas dans le rouge. Ainsi, le taux de sortie précoce du système scolaire est moins élevé que la moyenne européenne (9,7 %, contre 13,1 % dans la zone euro, selon Eurostat) et l’indice de reproduction sociale n’est pas si mauvais : seuls 22 % des enfants de parents sortis de l’école après la 3e ne continuent pas leurs études au-delà, alors qu’ils sont 36 % en Allemagne.
Le chômage de masse, qui touche 2,9 millions de personnes en France, constitue un vecteur d’appauvrissement et d’inégalités. Là encore, on constate d’importants écarts entre les catégories socioprofessionnelles, puisque les employés les moins qualifiés sont les premiers touchés par la crise économique : on y compte en moyenne 20 % de chômeurs, contre 4 % parmi les cadres supérieurs.
Selon l’Observatoire des inégalités, les 2,9 millions de chômeurs ne sont que la partie émergée de l’iceberg. En effet, le rapport estime que 1,4 million d’inactifs non recensés par Pôle emploi souhaiteraient travailler sans qu’ils parviennent à trouver d’emploi (seniors, femmes au foyer…). Par ailleurs, 3,4 millions de travailleurs occupent un emploi précaire ou mal rémunéré (CDD, intérim, stages). Au total, 7,7 millions de personnes seraient en situation de « mal-emploi ».
L’Observatoire soulève aussi la difficulté de caractériser les emplois non salariés : quel point commun entre un chirurgien de renom à son compte et un chauffeur de VTC qui peine à trouver suffisamment de clients pour s’assurer un smic ?
La nature des emplois est également un facteur de discrimination. Une enquête du ministère du travail s’est intéressée aux « contraintes de rythme de travail » (dépendance vis-à-vis d’un collègue, normes de production à satisfaire dans la journée, surveillance par la hiérarchie ou contrôle informatisé) : 25,6 % des cadres les subissent et jusqu’à 54 % des ouvriers qualifiés.
Ce décalage est encore plus net pour les contraintes physiques (station debout prolongée, déplacements fréquents, charges lourdes, vibrations…), qui ne touchent que 7,9 % des cadres, contre 25 % des professions intermédiaires et 63,2 % des ouvriers qualifiés. Résultat : 62,6 % des victimes d’accident de travail étaient des ouvriers en 2012.
Le rapport s’intéresse également aux discriminations qui touchent étrangers et immigrés en France. Il cite notamment une expérience de testing montrant que les employeurs préfèrent embaucher des Français, à profil équivalent. En 2014, 17,2 % des immigrés étaient au chômage, contre 9,1 % de Français, avec une grosse différence entre les étrangers non européens et les ressortissants de l’Union européenne.