Barges autonomes, égouts connectés, cartographie du trafic... aucun projet n’est trop fou pour Carlo Ratti, directeur du Senseable City Lab. Ce chercheur du prestigieux MIT est persuadé que les big data vont transformer notre façon de vivre dans les villes.
Alors que les expressions « smart city » ou « ville connectée » sont utilisées à tort et à travers, Carlo Ratti a une idée bien précise de ce à quoi va ressembler la cité du futur. Cet architecte et ingénieur dirige le Senseable City Lab du MIT, soit l’un des plus importants centres de recherche portant sur la convergence entre les nouvelles technologies et la ville.
Depuis 2004, le laboratoire a participé à de nombreux projets sur la mobilité, l’environnement, la pollution de l’air, ou bien encore le fonctionnement des égouts. « Nous vivons des temps vraiment passionnants depuis une vingtaine d’années, explique Carlo Ratti. Avec l’arrivée des capteurs miniaturisés, c’est un peu comme si le web pouvait se mélanger avec le monde physique. Dans notre laboratoire, nous observons l'influence de cet internet tangible sur la vie urbaine. »
Si la technologie a évolué, les problèmes, eux, restent les même. « Les villes doivent faire face à des challenges qui n’ont pas vraiment changé depuis 100 ou 200 ans, indique Carlo. Il s’agit toujours de territoires qui concentrent des gens et des biens donc nous avons toujours des problèmes de congestion de santé et de pollution. Mais la question que l’on doit se poser, c'est comment utiliser les nouvelles technologies et les données pour rendre nos villes plus durables et plus sociales. »
Sur le sujet, il estime d’ailleurs que le big data peut jouer un vrai rôle dans l’amélioration de la vie des habitants des villes. La plupart des projets du Senseable lab démarrent par des « urban demo », comprenez ici une présentation au grand public des enjeux auxquels s’attaque le laboratoire. Une façon comme une autre de mettre les citoyens face aux problèmes de leur ville (comme par exemple le manque de végétalisation, la pollution ou le trafic routier). « Les territoires urbains représentent 2 % de la surface de la planète, explique-t-il. Pourtant, ils concentrent plus de 50 % de la population, 75 % de notre consommation d’énergie et 80% de nos gaz à effet de serre. Si on comprend mieux comment fonctionne une ville grâce à nos données et si nous faisons un effort global, nous pourrons sauver notre écosystème. » Il ne nous reste plus qu'à nous emparer des données partagées et les utiliser pour véritablement changer le monde.
Quand on lui demande sa vision du futur, l’architecte et ingénieur évacue l’idée d’une ville radicalement différente. Il n'est d'ailleurs pas un fervent admirateur des villes qui s'autoproclament « intelligentes ». A l’évocation des modèles de citées connectées mais désertées comme Brasilia ou Songdo, il dit préférer les approches venant de la base - « bottom up » donc - plutôt qu’un système centralisé qui a été pensé trop en amont. « Prenez la ville de Paris, explique-t-il. Nous évoluons parmi des bâtiments qui sont vieux de plusieurs centaines d’années et en même temps des nouveaux moyens de transport sont apparus. Il y a dix ans, la seule manière que j’avais de me rendre dans Paris, c’était en voiture ou en transport en commun. A présent, nous avons des trottinettes électriques ou les vélos en libre-service. Ce que les données et les nouvelles technologies vont changer, ce n’est pas l’architecture, mais plutôt notre manière de vivre. Cela concerne nos déplacements et nos rencontres mais aussi la manière dont nous faisons nos courses ou les nouvelles formes d'expression citoyenne. »
Au final Le Senseable City Lab privilégie les projets s'attaquant à un problème à la fois. À Nairobi, le laboratoire de Carlo Ratti a mis en place un réseau de détecteurs de pollution à moindre coût. Avec lui, il peut mesurer en temps réel l’émission de particules fines. À New York, le Senseable Lab a traqué les trajets de l’ensemble des taxis de la mégalopole. Le projet a montré qu’il était possible de réduire la flotte de véhicules de 40 %, tout en restant efficace. À Séoul, les équipes ont carrément installé des capteurs de bactéries dans les égouts. Avec ce sytème, il a pu suivre la santé de ses habitants quartier par quartier et même cartographier les épidémies en temps réel. De quoi améliorer la vies des gens, un petit pas connecté à la fois.
CES EXTRAITS SONT TIRÉS D'UN ARTICLE DU SITE ADN À LIRE DANS SON INTÉGRALITÉ AVEC VIDÉO ICI
EN LIEN AVEC LE SUJET DE L'ÉCHANGE DU 18 NOVEMBRE 2018 À 14H00 À LA MÉDIATHÈQUE JEAN FERRAT D'ARGELÈS-SUR-MER : SMART CITIES, LES VILLES INTELLIGENTES ? INTERVENANT : EMMANUEL EVENO
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