En 1997, mourait Viktor Frankl. Son approche psychologique et psychiatrique aura révolutionné la psychothérapie. « A côté de Freud, je ne suis qu’un nain, mais si un nain grimpe sur les épaules d’un géant, il voit beaucoup plus loin que lui. »
Formé par Freud, avec lequel il entretint une longue correspondance, le jeune Frankl, psychiatre et philosophe, devait très vite se détacher des trois écoles de Vienne – freudienne, adlérienne et jungienne – pour fonder la sienne, qu’il appellera logothérapie.
En 1942, sa famille et lui-même sont déportés dans le camp de concentration de Theresienstadt. Puis, le 19 octobre 1944 il était envoyé à Auschwitz. Il observe avec étonnement que les plus robustes, qui étaient le plus dans l’action, étaient les premiers à mourir tandis que ceux qui paraissaient les plus faibles résistaient beaucoup plus longtemps : « Face à l’absurde, les plus fragiles avaient développé une vie intérieure qui leur laissait une place pour garder l’espoir et questionner le sens. ». Ses parents y ont trouvé la mort, alors que sa femme est morte au camp de Bergen-Belsen. Il ne l’apprendra qu’après sa libération survenue le 27 avril 1945. C’est la vie dans les conditions inhumaines des camps de concentration qui l’a poussé vers sa théorie du sens de la vie (la logothérapie) : quels sens trouver à la vie pour nous donner l’envie, le courage de continuer ?
La logothérapie pose le postulat qu’il faut, avant toute chose, trouver un sens à nos actes. De retour des camps, il confiera ainsi que c’était, certes, l’espoir de revoir les siens qui lui avait permis de survivre, mais également l’envie de finir son manuscrit, publié en 1945, Du docteur et de l’âme.
Après-guerre, la logothérapie, à la fois symbole de vitalité au sens plein du terme et moyen thérapeutique, va prendre une ampleur considérable. Frankl la pratiquera, l’enseignera dans de nombreuses universités (Harvard notamment) et à travers plus de trente livres. Celui dont on aimait à souligner le caractère jovial et expansif est mort en 1997, après quatre-vingt-douze ans d’une vie qui justifie, à elle seule, sa pensée et son œuvre.
Là où, pour motiver nos gestes, Freud parle de désir et Adler de pouvoir, Viktor Frankl évoque le sens : « Je parle de « recherche d’un sens à la vie » par opposition au principe de plaisir sur lequel est fondée la psychanalyse freudienne, ainsi qu’à la volonté de puissance qui est au centre de la psychologie adlérienne. » (Découvrir un sens à sa vie).
En logothérapie, la recherche du sens à donner à sa vie l’emporte sur nos pulsions, fondamentales dans la psychanalyse traditionnelle. Chaque sujet doit trouver et se donner une raison d’exister, une raison unique et singulière. Elle seule comble l’exigence existentielle et spirituelle de l’âme humaine. Lorsque l’individu n’est pas capable de trouver en lui-même des motivations suffisamment profondes pour vivre, la logothérapie parle de frustration (ou de vide) existentielle.
En être atteint, c’est perdre toute motivation de vivre : le vide remplace le plein de la vie. Il donne l’impression de subir une fatalité incontournable. « Le vide existentiel peut prendre plusieurs aspects, explique Frankl. La recherche d’un sens à la vie est parfois remplacée par la recherche du pouvoir, incluant sa forme la plus primitive, soit le désir de gagner toujours plus d’argent. Dans d’autres cas, c’est la recherche du plaisir qui y est substituée. C’est pourquoi la personne qui souffre de frustration existentielle essaie parfois de compenser le vide qu’elle éprouve en recherchant les plaisirs sexuels. » (Découvrir un sens à sa vie).
Le sens ici se réfère au choix de l’alternative la plus ajustée à la situation concrète. La logothérapie se base sur la perception que l’être humain est toujours capable, même dans les situations les plus difficiles et les plus extrêmes, de donner du sens à sa vie, soit :
Plusieurs portes de sortie sont offertes à celui qui lutte contre le vide existentiel. L’amour, en premier lieu. En lecteur de saint Thomas, il estime que c’est là le lien véritable qui nous unit aux autres. Le facteur d’amour est déterminant dans le maintien en vie d’un sujet. L’art également. Mais surtout, l’humour. S’il nous est impossible de modifier une situation qui ne dépend pas de nous, il nous reste la possibilité de modifier notre regard pour l’accepter. L’humour devient alors une formidable parade contre le désespoir.
Son livre : Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie