Une grande diversité de lectures peut éclairer le sentiment de culpabilité: philosophique , ontologique, anthropologique, psychologique, morale...Qu'ont-elles en commun? La Faute? le Désir? Le sens des responsabilités qui caractérise l'Être humain et qui s'emballe parfois pour devenir un fardeau pesant et inutile? La maladie du scrupule comme la nomme N.Sarthou Lajus? Notre irrépressible besoin de contrôle que nous ne sommes pas capable d'assurer ni d'assumer en permanence? Certaines sociétés sont -elles propices à générer de la culpabilité ? Est-ce le sentiment de ne pas être assez bien et de ne jamais mériter l'estime des autres ?
Les deux grands mythes fondateurs font état d'une culpabilité qui renvoie à la notion de faute .
Pour le premier, il s'agit de la Faute originelle, commise dans le paradis chrétien ; une faute de désobéissance, due à un irrépressible désir. La pulsion de savoir (arbre de la connaissance) nous explique Freud n'est autre que le trajet nécessaire pour passer de l'infans (celui qui ne parle pas, qui n'a pas la parole) à celui de parlêtre. Fruits du péché, nous sommes les héritiers d'Adam et d'Eve et pourquoi pas (dans la morale chrétienne) de Caïn. A ce titre, condamnés à perpétuité, que pouvons-nous encore réparer ?
Dans le mythe Oedipien, il serait question d'une faute inconsciente, cette force motrice pour réaliser sans être conscient ce que nous désirons sans le savoir(Destin?). Dans le travail de recherche et de reconstruction de son destin fatal, Oedipe est le prototype du travail effectué par Freud, celui qu'il propose aux névrosés pour qu'ils « s'arrangent » avec leur culpabilité.
On pourrait y ajouter l'histoire des frères de la horde primitive, qui ont tué le père tout puissant, qui confisque les femmes à son profit. On retrouve dans le livre Totem et Tabou, la mauvaise conscience dont parle Nietszche ; mais ce dernier associe la culpabilité à une morale des faibles, ceux chez qui les forces réactives sont supérieures aux forces actives. Il faut y voir une inversion des valeurs qui consacrerait la victoire des faibles sur les forts. Dieu n'a-t-il pas fait le malheur de l'Homme en le culpabilisant, ajoute-t-il ?
Quand Adler parle d'un sentiment d'infériorité qui nous habite tous et d'un désir de toute puissance compensatrice, Lacan semble répondre que c'est l'expression d'un manque, de se laisser vaincre par le désir.
Quant à Kierkegaard, il juge la culpabilité comme le fondement de toute vie sociale : n'est ce pas ce sentiment qui fait revenir dans la caverne (Platon) celui qui avait réussi à s'y extraire pour les convaincre du leurre de vérité.
Certains l'éprouvent-ils plus que d'autres? Quelques philosophes avancent l'idée que le langage, la raison, le rire, la conscience, l'intersubjectivité ont un point commun : ils servent à définir les différents aspects de la culpabilité....et que la sortie de l'humain- la pensée du post-humain- doit s'accompagner d'un déni de culpabilité.
La culpabilité est-elle propre aux êtres humains? Et qu'y a-t-il d'humain dans L'Homme? Peut-on être responsable mais pas coupable? Il suffit de se concentrer sur l'intention en écartant toute attention à propos des conséquences. La banalité du « Mal » exhibée par H.Arendt dans le cas Eichmann et la découverte par G.Steiner que les bourreaux étaient cultivés et lisaient Goethe, étendent la suspicion à tout un chacun. Ce qui place le laïque dans une position analogue au chrétien vis à vis du péché originel : l'Homme finit par s'estimer capable d'appartenir simplement à un groupe.
Être coupable est différent de se sentir coupable ! La culpabilité peut-être saine mais aussi toxique : que reste-t-il comme parade plausible ? Peut-être manifester une volonté de réparer ou bien accepter de se réformer...Vous avez sûrement d'autres « stratégies »pour avancer !!! et éviter le piège menant à l'insensibilité, comme refuge séduisant..
J.A
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