Résumé partiel du chapitre 3 du livre de Luc Ferry « Apprendre à vivre: traité de philosophie à l'usage des jeunes générations » dont on peut lire l’intégralité des pages 70-110 ICI
Il est important de comprendre les religions, même pour les non-croyants, pour les critiquer de manière informée et elles influencent encore profondément la culture, l'art et les conflits contemporains. Le christianisme a profondément influencé l'histoire de la pensée occidentale et propose des réponses uniques aux questions existentielles.
Il est pertinent d'inclure un chapitre sur le christianisme dans un livre de philosophie, malgré le fait que la religion et la philosophie semblent être en opposition. Quatre raisons justifient cette inclusion.
Premièrement, la doctrine chrétienne du salut, bien que non philosophique et même anti-philosophique, a rivalisé avec la philosophie grecque, en particulier le stoïcisme, en réinterprétant et en subvertissant ses concepts. Le christianisme a détourné le vocabulaire philosophique à son profit pour proposer une nouvelle réponse aux questions de la mort et du temps, ce qui lui a permis de dominer la pensée occidentale pendant des siècles.
Deuxièmement, bien que le salut chrétien ne soit pas philosophique, il laisse tout de même de la place à l'exercice de la raison. L'intelligence rationnelle est mobilisée pour interpréter les textes évangéliques et pour comprendre la nature en tant qu'œuvre de Dieu, portant la marque de son créateur. Cela montre qu'il y a une place pour la philosophie, même subalterne, au sein du christianisme.
Troisièmement, comparer la philosophie à ce qu'elle n'est pas, à savoir la religion, est éclairant pour comprendre la nature exacte de la philosophie. Les deux visent le salut, mais empruntent des voies fondamentalement opposées. Les évangiles montrent une connaissance de la philosophie grecque, et comprendre pourquoi le christianisme l’a surpassée est crucial pour saisir les caractéristiques essentielles de la philosophie et son évolution.
Enfin, le christianisme a introduit des idées morales importantes, comme la valeur morale d'un être humain basée sur l'usage de ses talents, qui ont été reprises par des morales modernes, même non chrétiennes.
Il est essentiel de comprendre pourquoi le christianisme a dominé l'Europe jusqu'à la Renaissance.
Pour les philosophes grecs, le concept du logos, (ou Verbe comme dans l'Évangile de Jean), désigne l'organisation rationnelle de l'univers. Cependant, Jean attribue au logos un sens radicalement nouveau, affirmant que le logos est devenu chair en la personne de Jésus-Christ. Cette idée d'un Dieu incarné dans un homme était inconcevable et même scandaleuse pour les stoïciens, pour qui le divin était une structure cosmique impersonnelle.
Ce changement radical dans la conception du divin a mené à une révolution dans la manière dont l'humanité percevait le divin et son rapport à l'éternité. Cette révolution s'est également manifestée par un changement dans les moyens d'accès au divin : la foi a remplacé la raison comme voie d'accès privilégiée à la vérité. Pour les chrétiens, l'accès à la vérité passe par la confiance dans la parole de Jésus-Christ, considéré comme le logos incarné. Contrairement à la philosophie, qui repose sur la raison et l'intelligence, le christianisme demande une humilité et une confiance dans une vérité révélée, non démontrable par la raison humaine.
En effet le christianisme a introduit l'humilité comme une vertu centrale plutôt que l'intelligence ou le raisonnement. L'humilité du logos divin, incarné en Jésus, et l'humilité des croyants, qui renoncent à la raison pour faire place à la foi, sont des traits distinctifs de la théorie chrétienne. Saint Augustin et Pascal, par exemple, ont critiqué l'orgueil des philosophes qui n'ont pas accepté l'incarnation du Verbe.
Saint Paul, dans la première épître aux Corinthiens, souligne que l'idée d'un Dieu faible et miséricordieux est inacceptable pour les Juifs et les Grecs. Pour les Juifs, un Dieu faible et crucifié est une absurdité méprisable, tandis que pour les Grecs, un Dieu incarné est une folie qui contredit la grandeur du logos. Cependant, c'est précisément cette faiblesse et cette folie qui font la force du christianisme, car elles permettent à Dieu de devenir le porte-parole des faibles et des humbles, opposant ainsi l'humilité chrétienne à l'arrogance philosophique.
Enfin, la philosophie n'a pas disparu avec l'avènement du christianisme, mais elle est devenue « servante de la religion ». La raison devient un outil au service de la foi, guidée par elle plutôt que fonctionnant de manière autonome.
Le christianisme, en se détournant de la philosophie grecque, a introduit une nouvelle conception du divin et une nouvelle voie vers le salut, centrée sur la foi plutôt que sur la raison. Cette transformation a eu des répercussions profondes sur la pensée occidentale, faisant de la compréhension du christianisme un élément indispensable pour quiconque souhaite étudier la philosophie et son histoire.
Résumé partiel du chapitre 3 du livre de Luc Ferry « Apprendre à vivre: traité de philosophie à l'usage des jeunes générations » dont on peut lire l’intégralité des pages 70-110 ICI