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Peut-on apprendre à être libre?


 Peut-on apprendre à être libre? (texte lanceur de l'atelier philo du 30/04/18)

La rencontre avec l'université de Septimanie est l'occasion de prendre (et non d'apprendre) un peu  de liberté (est-elle sectionnable?) et de proposer des  pistes de réflexion. Suivez les toutes….mais ne vous perdez pas! Rendez-vous au prochain atelier philo.

 La liberté est absence de contrainte: 

c'est la première définition qui nous vient à l'esprit...et dès lors, le mot liberté se conjugue au pluriel car il y a autant de libertés que de contraintes dont on s'affranchit. ( en physique, la chute libre, en politique la liberté de réunion, d'opinion, en économie, le libre-échange...).

 Faire ce qu'il nous plaît, est-ce être libre? 

La liberté du bon plaisir serait le pouvoir d'imposer la réalisation de son bonheur contre tout, contre tous. Dans une société humaine, des contraintes pèsent sur nous. Notre liberté s'arrête là où commence celle des autres. Si nous voulons être tout à fait libre, il faut devenir tyran: il faut nier la liberté des autres, pour laisser s'étendre absolument la sienne. La liberté du bon plaisir porte en soi le projet politique de la tyrannie, où le caprice d'un seul est la loi de tous les autres. La liberté du bon plaisir est par nature illimitée ou elle n'est pas. 

 La liberté contre le plaisir: 

La métaphore de Platon (image du tonneau percé) vise à montrer la servitude de l'homme prétendument libre (clin d'oeil à E. La Boétie).

La toute puissance de la liberté humaine, du bon plaisir, peut s'anéantir dans une équivalence de désirs  contradictoires. Comme l'âne de Buridan qui a aussi soif que faim, l'homme indécis est réduit à l'impuissance par le conflit de ses désirs mêmes .

 Le libre arbitre et la liberté: 

Au lieu d'être l'affirmation immédiate de notre propre  nature, la liberté en est plutôt, dans un premier temps, la négation. Être vraiment libre suppose de se retirer du jeu de nos désirs. Faire l'exercice d'un tel pouvoir, c'est exercer son libre arbitre. Etre libre c'est donc être déterminé à quelque chose , mais non par quelque chose.

 Liberté contre nécessité, liberté avec nécessité : 

On peut toujours trouver une cause, même inconsciente, à un acte apparemment libre. 

 Peut-il y avoir une liberté sans intelligence? 

Sans intelligence, une personne ne peut être libre et responsable. L'intelligence garantit la liberté politique....mais dans un état paternaliste, le citoyen est libre sans qu'il ait besoin de développer son intelligence. (lire Tocqueville).

 La liberté contre le destin: 

Si je suis libre, je suis maître de ma vie. Mais comme je n'ai pas la possibilité de tout maîtriser il y a une part qui ne dépend pas de moi. Le destin dit Sénèque, traîne ceux qui le refusent et guide ceux qui l'acceptent.

 De leur côté les métaphysiques ont forgé le concept d'une liberté absolue 

(plutôt unique) d' agir indépendamment, non seulement des contraintes extérieures mais de toute détermination intérieure: on aurait le mystérieux pouvoir de poser des actes qui ne seraient déterminés d' avance ni par mes idées, ni par mes instincts, ni par mes habitudes. Tel est le libre-arbitre des métaphysiciens!

Pouvons nous accepter cette définition de la liberté?


 L'homme est-il condamné à être libre?

 D'après Sartre, la liberté consiste à choisir entre plusieurs possibilités et à en assumer les conséquences. Mais ce qui préoccupait Sartre c'était l'action: penser ma propre liberté ne suffit pas, il me faut la mettre en acte. Libre je le suis...à moins de refuser de voir que je le suis.

La liberté consiste-t-elle à ne dépendre que de nous-mêmes?

 Epictète nous dit qu'être libre c'est ne vouloir que ce qui dépend de nous. Encore faut-il que mon esprit ne se trompe pas dans ses jugements: c'est la raison pour laquelle, il ne distingue pas la liberté de la cohérence logique. Mais lorsque je choisis entre de bons et de mauvais sentiments, est ce que je ne perds pas ma liberté? Ne suis-je pas victime de mes erreurs?


 Ecoutons les philosophes dans leurs analyses

 Descartes, après une première définition négative  (absence de contrainte reconnue par le sujet) passe à une définition positive, celle d'une liberté dite éclairée, liberté d'autant plus grande que la connaissance des raisons qui me poussent à choisir sont claires. «Je pense donc je suis», vaut, je crois ce que je vois distinctement par la lumière de l'entendement...mais je ne vois que ce que je regarde... et je regarde ce que je veux.

 A la liberté «éclairée» de Descartes, correspond l'illusion de liberté de Spinoza, déterminée par l'ignorance des causes véritables de l'action.  Luc Ferry revient sur la liberté en l'homme, car la question du propre de l'homme devient cruciale: les animaux ont une «nature» dit-il qui les détermine de part en part. L'homme seul peut s'arracher à la nature, lui seul peut se retourner contre son histoire pour la critiquer et s'en sortir. Rien ne parvient à l'emprisonner et c'est là sa liberté, ce qui fait sa spécificité au sein des autres vivants.

Dès la renaissance, Pic de la Mirandole, utilise dans un texte (De la dignité de l'homme) où Dieu s'adresse à l'homme,  le thème de l'inachèvement naturel de l'homme pour identifier sa dignité à la capacité qu'il possède de se former lui-même. Ce thème qui remonte au mythe de Prométhée, dans le Protagoras de Platon, se retrouve dans un texte décisif de Rousseau, (discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes) qui présente pour la première fois l'homme comme un être d'anti-nature, défini par la liberté et l'historicité.

 Aux yeux des philosophes, pense-t-il, il faut philosopher plutôt que croire, préférer la lucidité au confort de la consolation, la liberté à la foi. La liberté est ce qui rend possible le souci de l'intérêt général. Ma nature est particulière, par conséquent mes intérêts aussi. Mais si je suis libre j'ai la faculté de m'écarter des exigences de ma nature, de prendre des distances vis à vis de mes propres intérêts, pour entrer en communication avec les autres et prendre en compte leurs propres exigences. Dans la république il faut que toutes les libertés doivent pouvoir coexister. La morale républicaine, la morale de l'impératif catégorique, apparaît ainsi, justement parce qu'elle est anti naturelle et repose sur la liberté, comme une morale du devoir. 

 Pour Maine de Biran, c'est l'expérience de l'effort qui me révèle le mieux ma liberté: je peux éprouver ma liberté contre la résistance et la douleur de mon propre corps... Il oublie qu'il y a toujours un motif de faire l'effort.

 Bossuet indiquait que pour sentir notre liberté, il faut en faire l'épreuve dans les choses où il n'y a aucune raison de pencher d'un côté plutôt que de l'autre.(liberté d'indifférence dans «l'âne de Buridan»).

 Dans «Prométhée mal enchaîné», Gide nous parle de l'acte gratuit, un acte motivé par rien. Désintéressé. Il l'illustre dans «Les Caves du Vatican». Et que fait la conscience? La psychanalyse a montré qu'il y a des mobiles inconscients dont nous sommes esclaves. 

 Selon Kant, le postulat de la liberté doit être posé comme une condition de possibilité de l'obligation morale. Mais le choix entre le Bien et le Mal, n'est nullement un choix indifférent, contingent et gratuit.Dans ces conditions la liberté peut-elle avoir encore un sens?

 Pour les philosophies de la nécessité comme la philosophie stoïcienne ou le spinozisme, l'homme n'est qu'un élément du cosmos, une petite partie de la nature déterminée par l'ensemble, un simple rouage dans la machine du monde. La science moderne ne s'enrichit-elle pas de preuves précises concernant cette philosophie du déterminisme universel?

 Par contre Luc Ferry évoque la question cruciale du propre de l'homme: les animaux ont une «nature», qui les détermine de part en part. L'homme seul peut s'arracher à la nature, lui seul peut s'arracher à la nature, lui seul peut se retourner contre son histoire pour la critiquer et s'en sortir. Rien ne parvient à l'emprisonner et c'est là sa liberté, ce qui fait sa spécificité au sein des êtres vivants. 

 Pour Spinoza la liberté se réduit à la conscience de la nécessité. Il nous semble difficile de réduire la liberté à la résignation.

 La liberté d'après le rationalisme: Je suis libre non pas quand j'agis n'importe comment, sans motif, mais tout simplement quand je fais ce que je désire, quand je puis satisfaire mes tendances profondes.

 La pensée nietzschéenne illustre la possibilité de concevoir une spiritualité matérialiste, fondée sur la déconstruction de l'idée de liberté et renouant à certains égards avec «l'amor fati» des stoïciens et des Bouddhistes

Peut-on apprendre à être libre?

 On peut s'interroger:On ne naît pas libre, on le devient. La liberté est donc le fruit de l'apprentissage....ou bien, la liberté est constitutive de l'existence humaine. Elle ne s'apprend pas.

 L'animal en liberté, symbole de l'indépendance, comparée à la dépendance de l'animal domestique, nous fait souvent oublier que cette liberté-là n 'est que sauvagerie et instinct. Pour l'homme, elle ne peut en aucun cas représenter un idéal à atteindre. Le bon sauvage sur son île déserte est peut-être libre parce qu'il est seul et qu'il n'a pas de compte  à rendre à personne, mais il est dépendant de la nature.

 C'est autrui qui m'apprend la liberté: être libre c'est être autonome, et l'autonomie est une chose qui s'apprend: je ne suis pas capable de me diriger moi-même. Être libre nécessite une possibilité de choix et de savoir choisir entre des possibles. L'enfant ne serait jamais libre si le milieu humain ne l'éduquait pas à la liberté par l'apprentissage de la responsabilité.

 La liberté n'est pas donnée, elle est à conquérir. L'homme libre est celui qui se fait libre, qui connaît ses possibilités et ses limites. Agir librement ce n'est pas agir n'importe comment, c'est agir selon la raison, et la connaissance des moyens à mettre en œuvre pour réaliser une fin. Une telle action suppose un savoir qui ne peut être qu'acquis.  

 OU BIEN,

 La liberté est un fait, une donnée de la condition humaine. Elle est un pur jaillissement, une perpétuelle invention de soi par soi. Comme dit Sartre elle se fait et me fait en se faisant.

 La liberté ne s'apprend pas: elle est. Elle n'est pas déterminée, elle n'a pas besoin de conditions préalables pour exister.

 La liberté est dans le choix..Lorsque aucun motif ne me pousse à choisir, je suis totalement libre. Je ne suis soumis à aucune détermination, à aucun déterminisme. Cette liberté appelée généralement liberté d'indifférence, ne présuppose aucune éducation, aucun apprentissage.

Nous sommes libres de nos actes.


Si vous trouvez  le premier itinéraire trop chargé, empruntez l'itinéraire bis de «Lisons Futé.

Peut-on dire que l'animal est libre?

Le comportement de l'animal est en fait dicté par son instinct, de sorte que l'animal ne peut pas s'empêcher d'agir comme il agit. L'instinct commande, l'animal agit (servitude à la nature). On ne peut parler de liberté que d'un être qui s'est affranchi de son déterminisme naturel.

De quelle manière l'homme conquiert-il la liberté?

Pour être libre, il faut se débarrasser de la tyrannie des instincts: Kant soutient que c'est le rôle de l'éducation ...et la culture au sens large, qui fait taire la nature en lui et lui fait accéder à la liberté.

A quelles conditions puis-je être libre?

Suis-je libre de vouloir ce que je veux? Le plus souvent ma volonté est déterminée par ce que je suis. Mais ma volonté n'est pas libre.

Qu'est ce qu'une volonté universelle?

 C'est quand elle veut ce que tout homme ne peut que vouloir. Elle doit toutefois observer le commandement suprême de la moralité qui commande de considérer autrui comme une fin en soi, et jamais comme un moyen de satisfaire mes désirs.

Comment être libre en obéissant à la loi?

Comme le propose Rousseau, , la seule solution est d'être aussi l'auteur de la loi à laquelle je me soumets. Cette loi sera dès lors non pas imposée de l'extérieur, mais vient de ma propre conscience.

La liberté est-elle l'essence de l'homme?

L'homme est ce qu'il a choisi d'être (Sartre)et donc n'a pas de nature. L'homme est une liberté en acte. Que la liberté soit l'essence de l'homme est un fardeau écrasant.

C'est précisément à cette responsabilité que j'essaye d'échapper en excusant mon comportement et mes choix par «un caractère» ou «une nature». 

                                                                                                                     J.A


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