Deux théories s'affrontent à l'heure actuelle pour tenter de répondre aux questions sur l'origine du SARS-CoV-2. La première, soutenue par une majorité de scientifiques, voudrait que ce virus soit entièrement d'origine naturelle, et que l'intervention humaine se soit limitée à favoriser son émergence. Plusieurs facteurs ont été évoqués comme la déforestation et l'extension des terres agricoles, une promiscuité accrue entre certains animaux et l'homme du fait de la surpopulation ou de conditions de détentions des animaux sauvages issus du trafic dans des marchés insalubres, ou encore du réchauffement climatique.
L'autre hypothèse est soutenue par quelques scientifiques et une partie de la population chinoise et mondiale, dont plusieurs états et médias américains et leur président. Ils estiment que le virus a été créé artificiellement dans un laboratoire de virologie situé à Wuhan en Chine, lieu de départ de l'épidémie.
Regardons tout d’abord les données de séquençage des génomes de différents coronavirus pour connaître les relations de parentés du SARS-CoV-2 avec les autres coronavirus qui parasitent les mammifères et les oiseaux depuis des millions d'années.
Au sein des coronavirus, sept sont spécifiques à l'espèce humaine (229E, NL63, OC43, HKU1, MERS-CoV, SARS-CoV-1 et SARS- CoV-2). Si les quatre premiers n'engendrent généralement que de simples rhumes, les trois autres ont entraîné des syndromes respiratoires graves. Les hôtes naturels des Sarbecovirus sont principalement les chauve-souris.
Premières phylogénies : Les chauves-souris rhinolophes réservoirs naturels des coronavirusUne première comparaison d’un panel d’échantillons de SARS-CoV-2 prélevés chez des malades a montré qu’il ne provient pas du SARS-CoV-1 responsable de la première épidémie de SRAS en 2002, car ils n’ont que 82 % de séquences communes, laissant supposer que ces deux virus appartiennent à deux lignées divergentes qui se sont séparées il y a plusieurs décennies. Le SARS-CoV-2 serait plus proche, à 89%, du coronavirus (ZC45) de la chauve-souris rousse chinoise en Fer à cheval, Rhinolophus sinicus
A l'instar d'autres animaux sauvages, ces dernières hébergent des virus, sans en être affectées outre mesure (Leroy 2020), et peuvent les transmettre à d'autres espèces, si la barrière spécifique est franchie lors de rapprochements fortuits ou imposés (prédation, trafic et marchés alimentaires). Historiquement, ce scénario s'est probablement déjà produit lors des deux épidémies précédentes du SRAS de 2002 et du MERS de 2012, mais à chaque fois, le virus provenant des chauves-souris semble avoir été transmis à une espèce intermédiaire, en l'occurrence le dromadaire pour le MERS et la civette masquée pour le SRAS. Ainsi, l'infection de ces espèces intermédiaires pourrait favoriser le passage ultérieur du virus à l’humain
Le virus porte à sa surface une protéine capitale, la protéine S qui se lie au récepteur de la membrane des cellules de l'hôte auquel elle est adaptée, comme une clé dans une serrure. Or il se trouve que la partie de la protéine S n’est homologue qu’à 77% avec le virus du Fer à cheval intermédiaire. Ce coronavirus de chauve-souris ne s'attacherait pas aux cellules humaines de façon optimale, car l'extrémité de sa protéine S ne serait pas parfaitement adaptée au récepteur.
En Février, la revue Sciences et Avenir, ainsi que l'ensemble des médias, relaye un communiqué de l'Université du Sud de la Chine déclarant qu'après avoir testé plus de 1000 échantillons d'animaux sauvages, des chercheurs chinois ont montré que les génomes de coronavirus prélevés sur un pangolin malais étaient à 99% identiques à ceux trouvés chez les patients atteints du Covid-19. Les pangolins font l'objet d'un immense trafic illégal, car les pangolins constituent la viande de brousse la plus exploitée au monde avec 100 000 individus abattus chaque année.
Ces informations se sont finalement révélées fausses car les génomes des coronavirus isolés chez les pangolins présentent entre 86 et 92 % de similarité avec le SARS-CoV-2, ce qui suggère une séparation il y a plusieurs décennies.
En revanche, pour un isolat particulier, la souche de Guangdong, l’homologie est de 97,4% dans la partie de la protéine S suggérant que ce virus aurait pu contaminer un être humain.
Toutefois, il subsiste un autre problème de taille que nous allons analyser : Une fois que le virus s’est attaché au récepteur ACE2, son enveloppe fusionne avec la membrane de la cellule hôte . Mais cette étape nécessite de rendre accessible le domaine de fusion de la protéine S ce qui n’est possible qu’après coupure (ou clivage) de cette très grosse protéine de plus de 1200 acides aminés. Or aucune des séquences de coronavirus de pangolins analysées jusqu’à présent ne comporte ce site de clivage S1/S2 .
Des scientifiques proposent un scénario évolutif reposant sur une double sélection naturelle, une ayant eu lieu dans l'hôte intermédiaire, puis l’autre chez l'humain. Au fil du temps et des mutations, des virus possédant la protéine S du SARS-CoV-2 avec un domaine de liaison adapté au mieux au récepteur ACE2 des cellules humaines auraient été sélectionnés dans l'hôte intermédiaire, qui pourrait être le pangolin ou un autre hôte intermédiaire à découvrir ; puis des mutations se seraient produites dans les cellules humaines, aboutissant après de multiples transmission inter-humaines silencieuses, à la sélection d’une souche virale ayant dans sa protéine S des sites de clivage adaptés aux protéases cellulaires, telle la furine qui favoriserait la fusion du virus aux cellules humaines. La question que l'on peut se poser, c'est comment ce virus aurait développé une protéine S adaptée aux cellules humaines dans les cellules de l'hôte intermédiaire ?
Il est peu probable que le pangolin malais soit cet hôte intermédiaire.
Si le pangolin est une bonne piste comme hôte intermédiaire, il ne peut être à l'origine du virus humain du fait de la trop grande divergence génétique de son coronavirus avec le SARS-CoV-2 et de l'absence de recombinaison entre son virus et celui d'une chauve-souris .
L’ensemble des publications privilégiant l'hypothèse naturelle du SARS-CoV-2 ne nous permet pas en l'état actuel de nos connaissances d'écarter l'hypothèse d'une création artificielle dans un laboratoire. Une des raisons principales est que le SARSCoV- 2 se fixe et pénètre plus facilement les cellules humaines que celles de chauvesouris, alors que ces animaux sont censés en être la source ! (
Les scientifiques savent recréer artificiellement un virus déjà connu. De plus, avec les outils puissants de biologie moléculaire tels que Crispr-Cas9, il est possible de fabriquer de nouveaux virus de toutes pièces, à partir de virus déjà connus et conservés dans les bibliothèques d'échantillons d'un laboratoire. A ce titre, le laboratoire de Wuhan (Wuhan Institute of Virology (WIV), qui se trouve être le point de départ de l'épidémie, est spécialisé dans l'étude des coronavirus de chauve-souris. Il inclut un laboratoire de haute sécurité dit « P4 », construit avec l'aide de plusieurs pays dont la France et les Etats-Unis, inauguré en 2017, qui lui permet de répondre à son objectif principal : étudier l'évolution des virus lors des transmissions entre animaux, et repérer l'émergence de mutations potentiellement dangereuses pour l’humain.
Plusieurs publications scientifiques montrent que des équipes chinoises menées par Zhenghli Shi, la directrice de ce laboratoire, en collaboration avec des équipes étrangères, notamment des laboratoires américains, manipulaient des virus de chauve-souris pour les rendre plus infectieux. Etienne Decroly, spécialiste des virus émergents au CNRS considère que ces travaux constituent "un risque important, notamment en cas de contamination accidentelle. D'autre part, le seul fait de cultiver des virus dans des cellules humaines ou de primates soulève des questions, car avec le temps, ils peuvent s'adapter, et acquérir un pouvoir pathogène pour l'homme qu'ils n'avaient pas". Il suggère ainsi qu’ « on ne peut pas écarter l'hypothèse que le SARS-CoV-2 provienne de leur collection et se soit échappé à la suite d'une contamination accidentelle, mais, à moins d'avoir accès à leurs cahiers de laboratoire, on n'en saura jamais rien », d’autant que le laboratoire de Wuhan reste fermé aux observateurs étrangers.
Dans leur article de 2015, Menachery et ses collaborateurs expliquent justement comment la création de virus chimères à partir de souches naturelles pour augmenter leurs capacités de contamination et de pathogénicité sur l'homme pourrait aboutir à une pandémie comme celle du SARS-CoV-2 .
Plusieurs autres arguments pourraient également étayer l'hypothèse artificielle du SARS-CoV-2. La première concerne la piste du marché de Wuhan, un temps suspecté d'être le point de départ de l'épidémie. Elle se révèle infructueuse d'après l'identification du premier cas recensé qui n’aurait pas fréquenté le marché. D'autre part, il est avéré que ce marché n'a jamais vendu de chauve-souris car la population locale n'en consomme pas. En revanche, l'hôte intermédiaire suspecté, le pangolin malais, a pu s'y retrouver avant ou pendant son interdiction de chasse et de commerce. Comme les registres du marché ont été réquisitionnés par les autorités chinoises, il n'y a aucun moyen de le vérifier.
De plus, si l’épidémie a débuté officiellement à la fin du mois de décembre avec un premier foyer de contaminations localisé au marché de Wuhan, comme l’ont signalé les médecins lanceurs d'alertes chinois dont on a perdu la trace, le cas le plus ancien remonterait en fait un mois et demi avant, au 17 novembre.
L'autre événement troublant se situe le 18 octobre, soit un mois avant le premier cas estimé et plus de deux mois avant le premier cas officiel. Il s'agit des jeux mondiaux militaires de Wuhan. De façon réciproque et surprenante, la Chine renvoie la paternité supposée d'une origine artificielle du virus aux Etats-Unis, les accusant d'avoir amené le virus avec eux à l'occasion de ces jeux mondiaux et de l'avoir disséminé dans les équipes de militaires venant du monde entier. Près de 10 000 participants étaient logés au même endroit ; et après leur retour, de nombreux cas de maladies suspectes ont été rapportés au sein de la délégation française ou italienne. Sur place à Wuhan, cinq militaires sportifs ont été admis dans des hôpitaux pour des crises de malaria selon les autorités chinoises. A ce petit jeu de déclarations au cours duquel le président des Etats-unis a surenchéri en accusant à son tour la Chine, ces deux super puissances semblent renvoyées à leurs responsabilités.
Pour l’instant, bien que de nombreuses interrogations subsistent, la communauté scientifique continue de pencher pour l’hypothèse naturelle de l’émergence du SARSCoV-2. La recherche dans ce domaine est en pleine ébullition et des résultats d’études en cours sont attendus avec impatience pour expliquer ce qui reste à ce jour inexplicable.
Si la pandémie du Covid-19 a durement frappé les plus fragiles, que ce soit les malades ou ceux qui ont perdu leur emploi suite au confinement, elle a également révélé des vertus positives que chacune et chacun d'entre nous ont pu constater. Le dévouement du personnel soignant des hôpitaux avec les risques que cela comportait (catégorie professionnelle la plus contaminée), tout comme le maintien de l'approvisionnement alimentaire du fait de la présence d'hommes et surtout de femmes qui en assuraient le fonctionnement, sans parler de l'entraide, tout ceci nous a montré la plus belle facette de l'être humain, un animal empathique à l'extrême prêt à tout pour sauver des vies.
En même temps, l’arrêt brutal de l'activité humaine a constitué pour la nature un don du ciel. Le fait que tout s'arrête dans les villes du monde entier a donné l'occasion à certaines espèces de se réapproprier le territoire que nous occupons sans partage en s'exprimant à nouveau, et cela a fait du bien d'entendre les oiseaux chanter. Espérons que le dé-confinement et la reprise économique n’effacent pas ces effets bénéfiques, inespérés. Alors quelle que soit l'origine du Covid-19, des mesures pourraient être prises pour minimiser les chances qu’une telle pandémie se reproduise, naturellement ou pas.
En premier lieu, afin de limiter les risques naturels, il s'agirait enfin d'appliquer les lois sur la protection des espèces sauvages menacées, en interdisant définitivement le commerce de celles qui sont à l'origine de zoonoses.
D'autre part, la déforestation et le développement des activités agricoles et économiques à outrance doivent être davantage régulés pour ne pas favoriser l’émergence de virus à partir d’espèces qui n’avaient auparavant pas de contact avec l’humain. Un des objectifs du projet de recherche Discovery, financé par l'Agence nationale de recherche, vise à mieux comprendre l'émergence des virus et à cibler les pratiques à risque, tel que l'élevage d'hôtes potentiellement intermédiaires ou la capture d'espèces réservoirs comme les chauve-souris. Car le lien entre la santé des écosystèmes et la santé humaine est aujourd'hui clairement établi . En parallèle, la re-localisation des sites de production de matériels liés à la santé (masques, matériel médical et médicaments) semble vitale, tout comme l'augmentation des capacités en lits de réanimations des hôpitaux et du personnel qui y travaille sans compter, avec les risques que cela comporte.
Enfin, notre impact moindre sur un territoire donné pendant le confinement, notamment dans les villes, a non seulement fait baisser le niveau de pollution de l'air et des rivières, et celui du réchauffement de l'air induit par nos activités, mais a également sauvé la vie de milliards d'insectes ; un effet bénéfique pour les plantes, car leur reproduction a été favorisée, mais aussi pour les animaux qui ont trouvé davantage de nourriture. En ce sens, toute minimisation de notre impact sur l’environnement représente une mesure profitable à toute la planète.
Dans un second temps, il est nécessaire de prendre conscience de nos actes. Car depuis des milliers d'années, l'être humain a étendu son emprise sur le territoire des espèces sauvages, réduisant leur espace vital à une peau de chagrin, voire à une cage. Alors que la nature est merveilleuse pour qui sait encore la regarder et s'émerveiller. Nous faisons partie d'elle, comme les deux faces d'un même processus qui se spécifient mutuellement, et si la nature peut être terrible, nous le sommes tout autant par nos actions qui ont pu engendrer ce virus, et par nos réactions excessives face à cette épidémie. Nous avons vu que le hasard des mutations avait peut-être créé ce fléau, à partir de virus pourtant anodins, que l'action de l'être humain sur ces phénomènes naturels pouvait les amplifier de façon involontaire ou délibérée, que sa réaction, à l'instar de son système immunitaire, pouvait les aggraver.
Il devient donc urgent d'organiser un moratoire autour de la recherche sur les pathogènes, et notamment les virus, conservés ou (re)créés dans les laboratoires de haute sécurité, dans certains secteurs de la génétique et du médical. Une commission internationale pourrait ainsi effectuer des contrôles dans n'importe quel pays, afin de vérifier que les recherches sur les vaccins ou sur l'émergence de nouveaux virus, ne puisse aboutir de façon détournée ou à l'occasion d'un changement de régime, à la création d'armes biologiques.
Malgré tout ce qui a été dit, il est important de rappeler qu'une majeure partie de la communauté scientifique ne reconnaît toujours pas les virus comme faisant partie du vivant, du fait qu'ils ne sont pas autonomes pour se reproduire. Pourtant, nous avons vu que leur capacité à s'adapter à leur hôte dépendait autant du hasard, que de leur génome ou de celui de leur hôte, abritant parfois d'autres virus. L'ensemble formant un tout, que nous pourrions appeler vivant, et qui se caractériserait par la possession d'un patrimoine génétique commun : l'ADN ou l'ARN.
C'est le choix qui a été fait au Muséum de Toulouse en présentant ces deux conceptions du vivant dans son exposition permanente. Et si les virus sont vivants, cela pose bien évidemment un problème majeur que de pouvoir favoriser l'émergence d'êtres vivants "augmentés" dans leur capacité à parasiter d'autres êtres vivants, en l'occurrence notre propre espèce ! En créant de nouveaux virus, l'homme s'est octroyé le droit de manipuler la vie, et en cela l'être humain s'est donné beaucoup plus de pouvoir que de sagesse, alors que sa survie ne tient qu'à celle des autres êtres vivants.
D’ailleurs, les virus n'amènent pas que la mort ou la peur, qui ont été martelées par les médias, ils donnent également leurs gènes à leurs hôtes régulièrement : l'ensemble de notre ADN en serait constituée à plus de 10 % .
Ainsi depuis l'apparition de la vie, les virus ont joué un rôle majeur dans l'évolution des espèces, et pour preuve, c'est à l'un d'entre eux que nous devons le fait de ne plus pondre des oeufs, nous ayant donné le gène responsable de la fabrication d'un placenta, il y a plus de 100 millions d'années.
Alors qui sait ce que ce nouveau virus nous léguera, et ce que nous ferons de ce monde, car outre l'origine mystérieuse du SARS-CoV-2, ce qui se passe actuellement en France et dans le reste du monde interroge, comme l'a si bien dit la philosophe et historienne des sciences françaises, Bernadette Bensaude-Vincent, au centre INRAE Occitanie de Toulouse ce 23 Avril: "Alors que ces dernières années la situation de la recherche scientifique n'était guère flamboyante, puisqu'il y a eu des décennies de désengagement de l'Etat, qui a autonomisé les universités, donné plus de place à la recherche privé, or voici que d'un seul coup, mi-mars, plein feu sur la médecine et la science, et toute la science est dans l'horizon d'attente de tests, de vaccins, et donc, on attend de nouveau des promesses de la science, on attend de nouveau des miracles de la science. Serait-on en train de redécouvrir l'utilité de la recherche scientifique ?"