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Progrès fantastiques et limites de la biologie


Progrès fantastiques et limites de la biologie par Michel Delseny, LGDP, (Argeles 14.02.2019)

Les progrès fantastiques de la biologie et leurs limites

  • L’essor de la biologie moléculaire et de la génomique
  • Les conséquences de l’essor de la génomique
  • Les limites de la biologie moléculaire
  • La manipulation du génome
  • Autres développements :
        • Greffes et prothèses
        • Cellules souches
        • Le système nerveux
        • Le système immunitaire
  • Un homme augmenté ?

La molécule d’ADN

James Watson et Francis Crick, Prix Nobel de Médecine 1962 avec Maurice Wilkins


  • Sa structure est découverte en 1953 par James Watson et Francis Crick, grâce aux travaux de Maurice Wilkins et Rosalind Franklin
  • Une molécule complexe: cinq atomes (H, C, O, N ,P) assemblés en 4 bases azotées, un sucre et un phosphate, eux mémes assemblés en un polymère constitué de deux brins complémentaires formant une double hélice.
  • 3,4 dix millionièmes de mm d’épaisseur et plusieurs dizaines de cm de longueur ( environ 2 m par noyau de cellule humaine et 500X la distance terre soleil pour la longueur de tout l’ADN d’un homme !)
  •  Plusieurs dizaines de millions d’un module élémentaire: la paire de nucléotides (phosphate, sucre, base). 3,2 milliards pour le génome humain, distribués sur 23 paires de chromosomes
  •  Quatre bases possibles: Adénine (A), Guanine (G), Thymine (T), Cytosine (C).
  •  A et T sont complémentaires, de même G et C et forment les paires de bases.
  •  La séquence est l’ordre des bases sur un brin.
  •  Trois bases successives déterminent un acide aminé selon le code génétique.
  •  Chaque gène est recopié en ARN et ensuite traduit en protéine.
  •  L’ARN n’a qu’un brin, il est complémentaire de l’un des brins d’ADN.

Le dogme fondamental de la biologie moléculaire


Une avancée cruciale: le séquençage de l’ADN (1975)

Frederick Sanger (1918-2013): un double Prix Nobel de chimie 

  • Séquençage des protéines (insuline) : 1958
  • Séquençage de l’ADN (phage Φ X 174) : 1980
  • Prix Nobel 1980 partagé avec Walter Gilbert et Paul Berg


Une série d’innovations stratégiques

 

  • Les ESTs (Expressed Sequence Tags) ou étiquettes ADNc (1989)
  •  Le séquençage au hasard de fragments d’ADN à leurs deux extrémités, issus de librairies de fragments de tailles différentes (1996)
  •  Séquençage d’ADN à partir de populations ou d’écosystèmes, plutôt que d’individus (2004)
  •  Synthèse d’un chromosome artificiel (2004)

(photo : Craig Venter)

La génomique

 Une nouvelle discipline qui révolutionne la biologie: le séquençage, le décryptage des génomes et l'étude de leur fonctionnement.

  •  1975: mise au point des techniques de séquençage
  •  1980: séquence du gène de b globine humaine
  •  1990: lancement du HGP (Human Genome Programme) et premières EST humaines
  •  1996: séquençage du génome de la levure (14 Mbp)
  •  1999: séquençage du premier chromosome humain, le chromosome 22
  •  2000: séquençage du génome de la Drosophile et du premier génome de plante (Arabidopsis thaliana) (120 Mbp)
  •  2001: premiers brouillons du génome humain (2900 Mbp)
  •  2004: complétion du génome humain
  •  Des outils pour étudier la structure et l’expression des gènes à l’échelle du génome: bioinformatique, puces à ADN...
  •  2010: séquençage du génome de l’homme de Neandertal
  •  2018: plusieurs dizaines de milliers de génomes humain disponibles

Sequençage du génome humain


Un quadruple problème

  •  Assembler et reconstituer la séquence de chaque chromosome.
  •  Trouver et définir les gènes le long de la séquence.
  •  Attribuer une fonction à chaque gène.
  •  Comprendre comment le fonctionnement de chaque gène est intégré pour contrôler le développement et les réponses de l’individu

Quelques surprises, qui n’en étaient pas vraiment !

  •  Des gènes en morceaux qui peuvent coder plusieurs protéines
  •  De très nombreux gènes sont conservés chez les différents êtres vivants
  •  Moins de gènes que prévu (27 000), alors qu’on en attendait près de 100 000
  •  De nombreux gènes dupliqués
  •  Moins de 5% du génome est représenté par des gènes: à quoi sert le reste ? Régulation, poubelle, réservoir ou résidu évolutif ?

Comment identifier la fonction d’un gène?

  •  Logiciels de prédiction (bio-informatique).
  •  Logiciels de comparaison avec d'autres gènes déjà identifiés: génomique comparative.
  •  Obtention de mutants, cartographie génétique, isolement du gène et complémentation fonctionnelle du mutant.
  •  Caractérisation de son expression (temps, lieu et inducteurs), co-expression avec des gènes connus.
  •  Fabrication d'une protéine recombinante et analyse biochimique de sa fonction.

Une accélération phénoménale du séquençage des génomes

  •  Des technologies nouvelles plus efficaces, couplées à des robots.
  •  Un abaissement considérable du coût du séquençage: réduction par un facteur >10 000 X.
  •  Un génome humain est séquençable en un peu plus d’une semaine pour ~1000 €!
  •  Des progrès considérables dans l’informatique pour le stockage et l’analyse des données
  •  Mais une qualité et une précision moins bonne

Qu’avons-nous appris ?

  •      Un répertoire des gènes
  •      Quand et où les gènes s’expriment
  •      La fonction probable de 60-70% des gènes
  •      Le mode de fonctionnement et les principes généraux de la régulation des gènes
  •      Une très grande diversité génétique entre individus, qui permet de repérer dans une population les mutations associées à un caractère défini (GWAS)
  •      L’identification de gènes corrélés à des maladies (ex mucoviscidose, chorée de huntington, prédisposition à certains cancers (BCRA et cancer du sein), inflamation chronique...)
  •      Hétérogénéïté génétique des tumeurs
  •      Des outils pour comprendre le fonctionnement cellulaire et la physiologie

Retombées de la génomique

  •  Médecine prédictive: possibilité de prédire la prédisposition à une maladie : ça ne marche qu’avec des maladies simples, dans lesquelles quelques gènes sont impliqués.
  •  Médecine personnalisée, cas des cancers : carte génétique des tumeurs et étude de leurs réponses aux différents traitements .
  •  Possibilité d’affiner les diagnostics et d’adapter les traitements
  •  Découverte des microbiotes et établissement de corrélations entre microbiote et prédisposition à des maladies (diabète, obésité, troubles neurologiques...) ou réponses aux traitements

Les limites de la génomique

  •  On est loin de tout connaitre : de nombreux gènes ont une fonction inconnue 
  •  La fonction de >90 % du génome est encore mal connue, voire inconnue
  •  Les mécanismes de régulation de l’expression des gènes sont plus complexes que prévus
  •  La génétique n’explique pas tout : de nombreux caractères ou maladies dépendent d’une multitude de gènes (hypertension, diabète, intelligence...) et de l’environnement
  •  Il reste à comprendre les interactions entre le génome et l’environnement, avec les autres êtres vivants, avec le microbiote
  •  De nombreux caractères ou modifications de caractères au cours de la vie ont une origine épigénétique, encore mal élucidée (développement, apprentissage...)
  •  Des questions éthiques: confidentialité, accès et exploitation des données individuelles 

La thérapie génique

  •  Possibilité de réintroduire un gène fonctionnel dans des tissus ou un organisme
  •  Suppose d’avoir identifié le gène responsable 
  •  Suppose de disposer d’un vecteur pour introduire le gène (le vecteur est généralement un virus modifié « désarmé » comme un adénovirus)
  •  Suppose de savoir contrôler l’expression du gène introduit
  •  Transformation de cellules in vitro que l’on réintroduit ou injection directe du virus vecteur
  •  Efficace (thalassémie, leucémie...), mais problèmes: apparition de cancers secondaires, durée du traitement...
  •  Avis nécessaire des comités d’éthique et consentement des patients

Une nouvelle révolution en génie génétique: l’édition génomique CRISPR-Cas9

 

  • Découverte par Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, en 2012, d’un nouveau mécanisme d’immunité des bactéries vis-à-vis des virus chez Streptococcus pyogenes: CRISPR-Cas9.
  •  CRISPR9: Clustered Regularly Insterspersed Padindromic Repeats, Cas 9 endonucléase associée à CRISPR
  •  Le système CRISPR-Cas9 permet de réparer ou de remplacer précisément un gène dans une cellule.
  •  Il n’y a pas besoin de vecteur, il n’y a pas d’ADN étranger, la modification est ciblée
  •  Déjà des applications en médecine et en amélioration des plantes
  •  Cette technologie permet, en principe de corriger un gène et de guérir une mutation, ou de rajouter un gène
  •  Des questions éthiques quant aux applications pratiques 




Un scientifique chinois a fait naître les premiers bébés CRISPR

  •  
  • Jian-Kui He (Shenzhen) annonce fin novembre 2018 la naissance de Lulu et Nana, deux bébés génétiquement modifiés !
  •  Une troisième naissance est prévue 
  •  Le gène CCR5 a eté modifié pour conférer une résistance au virus du SIDA
  •  Tollé international et chinois, car expérience aléatoire et non respect des règles éthiques et déontologiques
  •  Incertitudes scientifiques: efficacité ? Effets secondaires ?Bénéfice relatif par rapport aux
  • alternatives ? Modification partielle (embryons chimériques)...
  •  Chercheur assigné à résidence et poursuivi par la justice chinoise

Autres progrès : au delà des génomes

  •  Greffes et prothèses
  •  Découverte des cellules souches
  •  Induction de cellules souches pluripotentes et possibilité d’orienter leur différenciation
  •  Développement d’organoïdes (muscle, foie, peau)
  •  Autogreffes
  •  Compréhension du fonctionnement du cerveau et des neurones : imagerie, biologie moléculaire, identification des neurotransmetteurs, des récepteurs...
  •  Travaux essentiellement sur les neurones, mais rôle des cellules gliales presque complètement ignoré
  •  Progrès en immunologie et immunothérapie des tumeurs
  •  Développement de l’intelligence artificielle et de la robotique: connexion homme-machine

Vers un homme augmenté ?

  •  Beaucoup d’outils pour nous faciliter la vie, la santé et les soins
  •  Mais de nombreux problèmes non résolus
    -     Grande ignorance de nombreux processus cellulaires , développementaux
    -     Grande ignorance des interactions génome et environnement
    -     Fiabilité des prédictions souvent issues de l’intelligence artificielle
    -     Qualité des bases de données
    -     Coût et suivi des prothèses
  •  Coût financier et social des innovations
  •  Problèmes éthiques : pas d’intervention sur la lignée germinale ni sur l’embryon, tentation eugéniste, quels bénéficiaires, quelles responsabilités en cas de dysfonctionnement...?

Merci à Michel Delseny pour cette conférence et d'avoir permis de mettre en note ici son diaporama